« Rêver-Civilité » pour imaginer la ville de demain
Selon Anne Démians, récemment élue à l’Académie des Beaux-Arts, un architecte doit « être force de proposition pour penser la qualité des constructions et leur devenir comme patrimoine public légué aux générations futures ». En publiant « Rêver - Civilité », un ouvrage de 90 pages, l’architecte-urbaniste propose des pistes pour penser la ville du futur et souhaite provoquer « des mutations profondes dans l’acte de construire et d’aménager les territoires ».
Ce travail s'inscrit dans le prolongement des réflexions initiées il y plus de 10 ans autour de la ville du futur : peu émissive en carbone et en osmose avec un cadre naturel. Cette réflexion s’est d'ailleurs concrétisée avec le projet des Black Swans à Strasbourg, qui a permis à l'architecte de livrer en 2019, avec Icade, les premiers bâtiments réversibles en France.
La réversibilité comme mode de réflexion ?
« Concevoir réversible » désigne l’ensemble des dénominateurs communs nécessaire à la réversibilité. Anne Démians note les grands principes architecturaux en cinq points et les développe en trois « plans théoriques » pour montrer les variations possibles. L’architecte précise que ces deniers sont adaptables à chaque situation territoriale par une « application pratique », et permettent par des données chiffrées d’aborder la notion de « performance immobilière ».
Par ailleurs, Anne Démians estime que c’est le désir de conversation d’un immeuble qui conduira à sa véritable transformation. « Le rôle joué par l’affect est une composante essentielle de la réversibilité, et pour être conservé, un bâtiment doit surtout donner envie de l’être. La réversibilité n’est pas synonyme d’uniformisation ou de standardisation. Elle est un socle de valeurs partagées, de règles élémentaires de civilité, n’empêchant aucunement l’expression d’une singularité, d’une identité », souligne t-elle. La condition nécessaire de la réversibilité et la pérennité des bâtiments viendront donc, au fond, de l’envie de ses usagers, des habitants de son quartier ou de sa ville, de le voir perdurer.
Un cadre juridique et fiscal
Entourée de son équipe d’architectes et d’ingénieurs, l’auteure rassemble dans son ouvrage un croisement de données en vigueur, de documents graphiques, et d'exemples de construction réversibles réalisées ou en cours de réalisation.
Ainsi, Anne Démians propose une nouvelle réglementation dite « souple » à travers cinq points clés qui pourraient permettre certaines dispositions, comme limiter les constructions au nombre d’étages, et non pas au plafonnement des hauteurs. « Cela permettrait de décider moins vite de la destination des constructions domestiques et permettrait d’avoir des variations de hauteur des bâtiments », explique l’architecte.
Cette dernière estime par ailleurs que les droits à construire ne seraient pas considérés « parcelle par parcelle » mais comme des « équilibres de construction » qui pourraient se façonner sur des « interdépendances sociologiques, historiques, industrielles suivant les expositions, ou les vents dominants. » Par exemple, la création d’un espace vert pourrait permettre de construire plus haut sur une parcelle adjacente.
Dans le cadre du permis de construire, Anne Démians propose de fixer une hauteur minimale de 3 mètres sous dalle pour toutes les constructions à usage domestique. Elle demande également, toujours dans le cadre du permis de construire, la démonstration de la comptabilité technique réglementaire et économique avec un changement d’usage, et désire harmoniser les taux de prélèvements fiscaux entre bureaux et logements, afin de favoriser les bâtiments réversibles.
Marie Gérald
Photo de Une : ©Anne Démians