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Quand une nouvelle capitale sort de terre, c'est à quel prix ?

Publié le 10 avril 2007

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Autoroutes flambant neuves, voitures de luxe et quartiers résidentiels: le financement par la junte birmane de Naypyidaw, sa nouvelle capitale, sortie de terre fin 2005, reste opaque.Les militaires au pouvoir ont déménagé leurs bureaux dans ce coin perdu à 400 kilomètres au nord de l'ancienne capitale Rangoun, transformant dans le plus grand secret un tranquille bourg forestier en ville tentaculaire.
Quand une nouvelle capitale sort de terre, c'est à quel prix ?  - Batiweb
"C'est une terre broussailleuse et inhospitalière", commente un diplomate occidental s'exprimant sous couvert d'anonymat, comme tous les étrangers dans le pays. "Construire une capitale ici, c'est un sacré défi." La Birmanie reste l'un des pays les plus pauvres au monde, avec un PIB par habitant bien plus faible qu'au Cambodge ou au Laos voisins. Malgré les sanctions occidentales, imposées en raison de la détention prolongée de l'opposante démocrate Aung San Suu Kyi et des abus des droits de l'Homme, le pays parvient à financer des méga-projets grâce à ses réserves en gaz naturel qui approvisionnent la Chine, l'Inde ou la Thaïlande.

Ces exportations rempliraient les coffres de la junte, comme l'exploitation de pierres précieuses ou de bois. Taxer les sociétés exploitant les richesses du pays, selon certains experts, serait aussi l'une des sources de financement pour la construction de Naypyidaw ("Demeure des rois"), où les ministères sont illuminés de guirlandes, l'électricité étant disponible 24 heures sur 24. "Ca a été bâti sur le dos des sociétés installées dans le pays", commente un diplomate à Rangoun. "Si vous voulez exporter du bois ou exploiter des mines, vous avez bien les moyens de financer un ou deux ministères, ou un bout d'autoroute", résume-t-il.

La junte offrirait aussi des concessions à des sociétés en échange du financement de certains travaux. Mais au vu de l'opacité de ces opérations, peu de diplomates s'aventurent à évaluer le coût de la nouvelle capitale. Un rapport du Fonds monétaire international (FMI) obtenu par l'AFP avance qu'entre 1 et 2% du PIB "ont été dépensés ces dernières années pour ce déménagement" de capitale et que "ce niveau de dépenses devrait se poursuivre en 2006/07, avant de diminuer".

Le FMI estimant ce PIB à 12,2 milliards de dollars pour 2005/06, le coût annuel de Naypyidaw se situerait entre 122 et 244 millions de dollars, une fourchette jugée vraisemblable par un économiste basé à Rangoun. La junte "peut faire face à ce niveau de dépenses", assure cet expert, estimant que la hausse des prix des matières premières lui apporte encore d'autres ressources. La Birmanie affirme, elle, financer la construction en revendant ses ministères abandonnés à Rangoun.

"Combien ça coute, ce n'est pas si important", a lancé le ministre de l'Information Hyaw Hsan la semaine dernière. "Ce qui compte, c'est de ne pas avoir de déficit budgétaire". Selon un diplomate, certains militaires au pouvoir commenceraient à réaliser la lourdeur des investissements encore à venir. "Les probabilités que cela se transforme en trou noir sont fortes. Des investissements réguliers sur 15 à 30 ans vont être nécessaires pour que cela devienne viable. Et cet argent là n'ira pas à la santé ou l'éducation", souligne-t-il.

Les hommes d'affaires se plaignent déjà d'avoir à faire régulièrement le voyage vers cette capitale poussiéreuse et à moitié finie, mais lorsqu'il s'agit de ressources naturelles précieuses, les sociétés sont prêtes à beaucoup de compromis, soulignent des experts. Les ambassades étrangères font preuve de moins de souplesse, aucune n'envisageant officiellement de quitter Rangoun.

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