Pour réaliser une ligne de chemin de fer de fret entre Rotterdam et Cologne, le groupe Vinci à du creuser un tunnel dans l’eau et enfouir dans le sol une montagne de sable venue d’Allemagne
On sait les Hollandais très soucieux de l’écologie. Sur la nouvelle ligne de fret qui emmène les containers à double étage de Rotterdam à Cologne, un obstacle de taille : le franchissement du canal de Pannerdensch, aurait normalement supposé la construction d’un simple viaduc. Soucieux de la préservation du paysage, le maître d’ouvrage lui a préféré un tunnel dont la complexité technique forme un florilège de difficultés rarement accumulées sur un même ouvrage. L’ouvrage bi-tube de 1620 mètres de long doit en effet franchir une ancienne sablière de 25 mètres de profondeur transformée en étang, prolongée d’épaisses poches d’argile mou, le tout passant sous un canal bordé de vastes et lourdes digues de protection contre les crues ne supportant aucune faiblesse du sol. Les ingénieurs de Vinci ont donc pris ces obstacles en charge les uns après les autres jusqu’à ce que, dans l’avancée du chantier, ils se cumulent les uns aux autres. Le tunnelier Maxima de 9,805 mètres de diamètre, à pression de boue (Mixshield) en charge des opérations, n’en est pas à son coup d’essai. L’engin d’une puissance de 7 000 tonnes de poussée a entre autres creusé le métro du Caire. Pourtant, cette « super taupe » s’avérait impuissante face à un sous-sol gorgé d’eau. Les ingénieurs ont donc choisi de congeler le sol cryogéniquement. L’azote liquide (-196°) à été injecté à l’aide de centaines d’aiguilles dans une profondeur de 30 mètres durant le perçage. Face aux températures plus que sibérienne du chantier, il a vite fallu installer autour des hommes des batteries de radiateurs à air chaud pour leur éviter une surgélation aussi rapide que certaine d’une part, mais surtout pour que le tunnel ne soit pas en permanence noyé dans le plus épais des brouillards. L’état de congélation du sol, surveillé comme le lait sur le feu, était en outre étroitement surveillé par une batterie de sondes reliées à une centrale informatique. Le passage sous le canal fut le point d’orgue de cette première phase. En effet, la faible épaisseur de la voûte, entre le tunnelier et le fond du canal et la fragile résistance des matériaux exigeaient une surveillance pointue des pressions de soutènement. Une dérive trop grande des calculs aurait ouvert la voie à l’écroulement du canal suivit de celui de l’ouvrage.
Enterrer une montagne de sable
Le gel fit sont effet mais néanmoins, les poches les plus liquides exigèrent d’autres efforts. Il fallut en effet, sur de longues distances, intégrer au sol et au sous-sol une véritable montagne de sable. Les équipes de Vinci et de Comol firent ainsi venir d’Allemagne une noria de barges chargées de 700 000 m3 de sable. Ce matériau, intégré en couches successives fut compacté par vibroflottaison à l’aide d’une aiguille vibrante de 30 mètres suivant un maillage particulièrement serré avant d’être recouvert de roches. Cerise sur le gâteau, la traversée de deux poches d’argile, chacune longue de 150 mètres, a elle aussi exigé la mise en œuvre de techniques exceptionnelles. En effet pour éviter un colmatage permanent du « cake » dans le séparateur de boues, il fallut, également injecter, des quantités de produit polymère donnant une fluidité constante aux déchets de forage. L’ensemble de ces opérations n’a cependant pas empêché les ingénieurs de battre quelques records. Le tunnelier a en effet rempli sa mission au rythme de 17 mètres par jour dans les sols sableux et de 13 mètres dans l’argile. Un forage effectué 24 heures sur 24 sous la haute surveillance de théodolites mobiles reliés par GPS à un centre de contrôle qui, au moindre mouvement en surface du sol aurait, éventuellement pour longtemps, interrompu le chantiers. Le tunnel de Pannerdensch laissera pour longtemps chez ses constructeurs le souvenir de la pression. Pas seulement celle des machines et des contraintes techniques, mais surtout celle des hommes…