ConnexionS'abonner
Fermer

La voie la plus fréquentée d’Europe a 30 ans

Publié le 16 juin 2003

Partager : 

Le périphérique parisien, voie la plus fréquentée d’Europe, vient d’avoir 30 ans. Le Pavillon de l’Arsenal à Paris revient sur les dessous de ce territoire singulier, l’autoroute la plus lente et la plus surveillée de France.
La voie la plus fréquentée d’Europe a 30 ans  - Batiweb
Le 23 avril 1973, après 16 années de travaux ininterrompus, l’anneau routier des 35 km du périphérique parisien est bouclé. Les élus et les Parisiens osaient à peine y croire, tant le percement de cette voie urbaine avait été l’objet d’obstacles et de difficultés. Il est vrai que sa construction, décidée en 1943, relevait plus à l’origine d’une décision politique que d’un réel souci d’aménagement. À cette époque, soucieux de suivre les consignes du Maréchal Pétain, Mestais, le chef des services techniques de topographie et d'urbanisme de Paris et responsable de la commission d’études du projet, déclarait : « Il importe d'éviter à tout prix que Paris ne coule dans une banlieue qui l'enliserait à nouveau pour un siècle. Paris, grand salon de l'Europe, requiert des soins, des sacrifices et des égards particuliers, et il doit être défini d'une manière élégante et précise, afin que les étrangers, abordant l'Île-de-France, puissent dire : voici Paris, sans le confondre avec Levallois, Aubervilliers, Pantin, Vitry ou Malakoff ». Une réflexion plus qu’anachronique alors que la capitale, en pleine occupation, n’était visitée que par les militaires allemands. Quand finalement le projet est lancé en 1953-54, sa raison d’être à changée. Il est une « suture » entre Paris et sa banlieue mettant en harmonie des territoires urbains et suburbains ». Une philosophie qui cachait cependant à peine le désir des élus parisiens de droite d’isoler la capitale de sa ceinture rouge.

Un nœud très surveillé
Aujourd’hui, cette voie est devenue une artère vitale, symbole un peu dépassé d’un jacobinisme routier qui voulait faire de Paris le nœud central du trafic national et l’incontournable carrefour entre l’Europe du Nord et celle du Sud. Une ambition satisfaite au prix d’un lourd tribut, car pour beaucoup, l’artère est surtout devenue le symbole de l’exubérance routière. Elle a néanmoins permis à Paris, durant 30 années, via la tutelle gouvernementale d’abord et depuis 77, celle de l'Hôtel de Ville, de superbement ignorer sa banlieue, quand elle ne l'a pas méprisée. Aujourd’hui, le périphérique, bien qu’étant doublé des deux voies de contournement que sont l’autoroute A86 et la Francilienne, joue le rôle de bouée de sauvetage d’une ville à la circulation souvent saturée. Il est à ce titre l’objet d’une réglementation particulière. Par exemple, c’est la seule autoroute où la priorité est donnée aux véhicules entrants. Autre détail, du fait de l’absence de bande d’arrêt d’urgence, il est obligatoire, sous peine d’amende, d’en sortir en cas de panne ou d’accrochage. Chaque jour, les 1,2 million de véhicules qui entrent et sortent de ses 8 voies sont suivis par les 102 caméras mobiles de la salle de commandement de la Compagnie du périphérique. Un groupe fort de deux cents policiers formés en quatre brigades qui se relaient sur l’asphalte jour et nuit. Ces policiers sont en relation permanente avec le service exploitation de la Ville. C'est lui qui a en charge le système d'information. À la base de celui-ci, on trouve des boucles électromagnétiques noyées dans la chaussée à raison d’une tous les cinq cents mètres dans chaque couloir de circulation. La vitesse d’un véhicule, lors de son passage sur ces boucles, provoque une impulsion. Celle-ci transite par des kilomètres de fibre optique, et des batteries de calculateurs afin d’afficher toutes les minutes à l'écran synoptique de la salle de surveillance l’état du trafic et son développement. En temps réel, les panneaux à messages variables surplombant les voies affichent aussi leur lot d'informations aux automobilistes.

Un inventaire à la Prévert
Sur les chaussées, l’évènement est permanent. Outre les 20 200 PV avec photos pour excès de vitesse dressés dans l’année par la police, les hommes de l’entretien y trouvent de tout. L’inventaire de 2002 dévoile des pièces diverses telles que pare-chocs, pots d'échappement, portières, capots, galeries mais aussi des chaussures (perdues surtout par les motards), des dizaines de matelas, des matériaux de construction variés et, plus curieux, 50 baignoires, 15 tonnes de maïs, autant de salsifis en boîte, 10 tonnes de patins de frein à disque, des chiens et des chats vivants ou morts en quantité impressionnante et, exceptionnel cette année : 50 cochons en goguette. Renforcement sécuritaire oblige, d'ici à la fin 2003, les couloirs vont être dotés de radars fixes sous abris blindés, en service 24 heures sur 24. Bien qu’étant considéré comme un lieu de pollution atmosphérique extrême, le périphérique dispose cependant sur ses talus de 44 hectares d'espaces verts agrémentés de 10 000 arbres. En définitive, cet anneau d’asphalte hors des normes constitue un no mans land urbain avec ses serviteurs, ses mœurs et ses codes, que tout un chacun fréquente sans vraiment le connaître. Un voyage en quelque sorte, au pays de nulle part…

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.