Comment le Covid-19 pourrait changer l’architecture de nos métropoles
Ils sont les premiers pris d’assaut. Le Canal Saint Martin à Paris en est un exemple, les espaces publics entourés de verdure où l’on peut respirer à l’air libre sont devenus des endroits presque vitaux après le confinement. Ces lieux ouverts reflètent un besoin naissant après deux mois de confinement dans les métropoles, entassés, enfermés entre quatre murs. Cette cure de verdure remet en question le modèle des villes souveraines, ces métropoles bétonnées, au profit d’une ville du futur écologique. « On a massacré les entrées des villes avec des zones commerciales et artisanales aujourd’hui obsolètes. Des centaines de milliers d’hectares avaient été artificialisés, étanchéifiés, asphaltés » comme l’explique Denis Dessus, président du Conseil National de l’Ordre des Architectes (CNOA). Le débat de l’écologie et de l’environnement était déjà porté depuis quelques années par des maires, des architectes, et des mobilisations citoyennes et semble aujourd’hui soutenu par une majorité.
Repenser la ville
L'un des premiers projets permettant de repenser la ville est la reconversion de parkings de supermarchés en parcs. Une idée soutenue par Philippe Goncalves, président de l’Ordre des Architectes d’Occitane : « Transformer un parking de grande surface rapidement en un parc avec des milliers d’arbres, et densifier autour est assez facile ».
L’idée est à vrai dire loin d’être tirée par les cheveux. Les américains, premiers adeptes et exportateurs de ces hypermarchés XXL semblent aujourd’hui abandonner ces « centres commerciaux traditionnels » comme l’explique Denis Dessus. Le même phénomène est également observé en Chine. Mais le président du CNOA prévient : « Il ne suffit pas de tartiner en vert » ces espaces pour améliorer les conditions de vie. « Il faudrait des équipes pluridisciplinaires, d’architectes, paysagistes, écologistes » pour arriver à un résultat alliant écologie et bâtiment, pour construire la ville de demain.
Une éco’nomie
L’écologie est également l'un des premiers investissements dans les villes. Dans les métropoles françaises, Paris, Lyon, Lille, Strasbourg, Nantes, Rennes, les projets de pistes cyclables, d’aménagement proches des fleuves et de parcs, sont sur la tables des projets municipaux. Lise Bourdeau-Lepage, géographe de l’Université Lyon 3, décrit certains de ces projets : « On va enlever le bitume pour permettre aux gens de cultiver des petits carrés végétalisés sur le trottoir à Lyon », à Paris, dans le 13ème arrondissement, « on peut cultiver son petit pied d’arbre ». L’object étant que les « gens se réappropient leur espace public », en privilégiant les services de proximité. Ces aménagements urbains permettraient également une auto-gestion alimentaire comme l’explique Lise Bourreau-Lepage : « Au niveau d'un quartier, imaginons qu'on ait un petit jardin. La ville le récupère, le met en gouvernance partagée avec des habitants. Les légumes et fruits sont redonnés en partie à une association ». À partir de ces déchets, il sera également possible de produire du biogaz, et cette boucle d’économie circulaire pourrait ainsi créer une mine d’or.
Du côté du bâtiment cette fois, il n’est pas question de renoncer à Internet et à la technologie de manière générale. Mais la demande aujourd’hui se créé autour de logements construits avec des matériaux biosourcés, ou rénovés aux dernières normes, notamment grâce aux dispositifs d’aides mis en place par le gouvernement.
Le contraste avec les bourgs et petites communes
De nombreuses villes de l’hexagone baignent au contraire dans une perpétuelle verdure, à tel point que les villes les plus petites n’ont parfois ni cabinets médicaux, ni commerces… Il faut alors ré-équilibrer la balance : « Ce n’est pas soit tout ville soit tout campagne » explique Leslie Goncalves, également architecte.
Denis Dessus espère pour sa part une délocalisation des citadins et des entreprises vers ces bourgs. Mais cela demande de l’investissement, en effaçant la diagonale du vide, zone ou les transports en commun et le réseau sont quasi-inexistants. Réduire cette fracture trop importante entre les métropoles et les petites villes permettrait d’harmoniser le territoire et de permettre à tous un accès aux services, mais dans un cadre verdoyant.
J.B
Photo de une ©Adobe Stock