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Brique après brique .... A Taiwan !

Publié le 19 février 2008

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En passant de l'ère de l'agriculture à celle de l'industrie et du modernisme au post -modernisme en l'espace d'une cinquantaine d'années, Taiwan a connu des changements qui ont mis deux siècles et demi à se produire dans le monde occidental. La société a connu une évolution ultra-rapide tout en subissant les effets d'une succession de tendances parfois contradictoires, oscillant entre tradition et modernité. Dans ce contexte de bouleversement, est apparue une notion de design qu'il reste d'ailleurs à délimiter dans sa définition et dans son extension.
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La notion n'est pas nouvelle à Taiwan. Par le passé, cependant, elle se rapportait en général au savoir-faire artisanal, au tour de main, aux techniques traditionnelles. De nos jours, du fait de l'influence occidentale, le domaine du design englobe l'architecture, l'aménagement intérieur, le paysage, la conception industrielle, le graphisme, le mobilier et la liste ne fait que s'allonger. L'élément humain dans le design est de plus en plus pris en considération, à mesure que la discipline progresse. La création architecturale, par exemple, s'est émancipée de l'ingénierie, pour aller vers l'étude des formes dans leur rapport avec le contexte social.

A mesure que l'économie de Taiwan dépend davantage de la spécialisation des savoirs, les professions du design, dans leur définition la plus large, ont été reconnues comme indispensables à la croissance. En juin 2002, les pouvoirs publics ont lancé Défi 2008, un plan de développement de six ans au budget de 2,6 billions de TWD (78 milliards d'EUR) qui identifie dix objectifs à atteindre pour améliorer l'économie et la qualité de vie à Taiwan. Dans l'ordre des priorités, le second objectif est le développement des industries de la création et de la culture.

Réussir la transition vers cette seconde phase de développement implique de donner plus de moyens aux industries de la création, explique Chou Neng-chuan, haut responsable du ministère de l'Economie. « Le design forme le noyau de ce que nous entendons par industries de création, continue-t-il. Il nous faudra coordonner l'action de l'office du Développement industriel (IDB) avec celle des autres organes de l'Etat, tels que la commission d'Etat de la Culture. Notre but est d'intégrer la démarche des deux pour former une chaîne de soutien qui contribuera à accroître leur valeur économique. »

L'effondrement du marché immobilier dans les années 90 a eu l'heureuse conséquence d'inciter les promoteurs à améliorer leurs prestations en termes d'esthétique et de qualité -- et de donner plus de liberté aux créatifs.

Le champ pour la création s'étend des arts à l'industrie. Entre ces deux pôles, on trouve la culture, les médias, l'art de vivre. La création concerne aussi bien les produits commerciaux que le mobilier, la mode, le numérique et les artisanats traditionnels. Chou-Neng-chuan estime qu'environ 20 000 personnes -- ateliers ou travailleurs indépendants -- œuvrent dans ces industries, soit comme fournisseurs de services soit comme créateurs. L'IDB voit dans ce secteur un énorme potentiel, aussi construit-il pour les concepteurs indépendants un site Internet qui leur servira de forum et leur fournira une assistance en matière de gestion et de relations publiques.

Un autre domaine qui a attiré l'attention des pouvoirs publics est celui de l'architecture à travers laquelle se reflète l'histoire originale de l'île. « Taiwan a reçu des influences diverses venues de l'étranger, rappelle Hsieh Ying-chun, un architecte. L'occupation hollandaise, la dynastie Qing, la présence japonaise, le Kuomintang... Chacun a imprimé sa marque particulière, sans demeurer assez longtemps pour remodeler complètement l'endroit. Le paysage architectural a ainsi constamment changé et ne s'est pas stabilisé jusqu'à aujourd'hui. »

Les bâtiments construits par les Japonais, affirme Hsieh Ying-chun, ont eu un effet expérimental parce qu'ils représentaient un mélange d'influences occidentales et locales. Mais quand les Japonais sont partis, ils ont emporté avec eux leurs plans et leurs techniques. L'installation du gouvernement nationaliste chinois, en 1949, a été le prélude à une période moderne dans l'architecture de l'île, même si les progrès ont d'abord été lents, étant donné le retard économique. Cependant, avec la prospérité, la spéculation immobilière est devenue un frein au progrès architectural, les constructeurs voulant gagner plus d'argent au détriment de la qualité de la conception.

Les bâtiments étant construits suivant des plans médiocres, leurs occupants se sont reportés sur la décoration d'intérieur pour améliorer le cadre de vie. Devant l'impossibilité de changer cet état de fait, beaucoup de cabinets d'architectes ont suivi le mouvement vers l'architecture d'intérieur. Ce n'est qu'après l'effondrement du marché immobilier, dans les années 90, que la construction a commencé à relever ses standards de qualité, ce qui a permis aux architectes de mieux employer leur créativité.

Le tremblement de terre du 21 septembre 1999, qui ravagea le centre de l'île, initia un mouvement de reconstruction à grande échelle. « Cela a été un moment de remise en question, dit Hsieh Ying-chun. Les architectes ont maintenant l'occasion de s'intéresser aux priorités des utilisateurs et de retourner à l'essence de l'expression architecturale. Le public est devenu conscient de la valeur des ressources naturelles. Il prête davantage attention à l'environnement. » Tandis que beaucoup d'architectes insulaires continuent d'explorer les possibilités qu'offrent de nouveaux secteurs, comme celui de l'architecture digitale, Hsieh Ying-chun consacre son temps, son argent et son savoir professionnel à aider à la reconstruction des villages aborigènes sinistrés par le tremblement de terre.

Avec ses collègues, il a mis au point des techniques simplifiées de construction, engageant les personnes sur place, même sans qualification, pour construire leurs propres logements avec des matériaux locaux. Cette expérience a effectivement contribué à réduire les coûts sans compromettre ni l'effet visuel ni la qualité structurelle. A cela il faut ajouter le fait que les constructeurs sont aussi les propriétaires de la maison. Le travail de Hsieh Ying-chun intègre en outre les différences de style propres à chaque tribu, de même qu'il est tenu compte de la signification culturelle de l'emplacement de chaque structure, selon sa fonction rituelle ou traditionnelle.

« Le fait que le travail que nous avons réalisé dans le centre de l'île ait été reconnu au niveau national montre que le public ici est bien disposé désormais à accueillir des idées neuves », fait remarquer l'architecte.

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