Anneau de la Mémoire : quand l'architecture unit des ex-ennemis de la Grande Guerre
Pour marquer le centenaire de la Grande Guerre, le Conseil régional Nord–Pas-de-Calais a décidé de créer un monument international qui, pour la première fois, dépasse les mémoires nationales de la tragédie. Baptisé l'Anneau de la Mémoire, il réunit les 600 000 noms des soldats tués dans le Nord-Pas-de-Calais au cours de ce conflit, présentés par ordre alphabétique, sans distinction de nationalités.
Établi au sommet du plateau de Notre-Dame-de-Lorette, à proximité de la plus grande nécropole nationale française, l'édifice inauguré par François Hollande ce 11 novembre, a été imaginé par l'architecte parisien Philippe Prost. De la forme retenue à la recherche des matériaux, en passant par l’éclairage et l’aménagement paysager, ce dernier revient sur les différentes étapes qui ont guidé la conception de cet ouvrage unique au monde, ayant nécessité des mois d’études et de calculs.
L'anneau pour donner une forme à la fraternité
« Pour réunir les ennemis d’hier, rassembler les 600 000 noms des combattants morts sur les champs de bataille du Nord-Pas-de-Calais, nous avons choisi l’anneau comme figure, en pensant à la ronde que forment ceux qui se tiennent par la main. Anneau synonyme à la fois d’unité et d’éternité : unité car les noms forment dès lors une sorte de chaîne humaine, éternité puisque les lettres s’enchaînent sans fin, l’ordre alphabétique prévalant sur toute distinction de nationalité, de grade, de religion. Implanté sur le site, l’anneau prend la forme d’une ellipse orientée d’un côté vers l’entrée de la nécropole, de l’autre vers la plaine d’Artois. »
L'horizontalité pour donner une expression à la paix
« Le choix de l’horizontalité pour le Mémorial est apparu comme une évidence. D’abord pour répondre à la verticalité de la Tour-lanterne, ensuite parce qu’au-delà, l’horizontal est signe d’équilibre, gage de pérennité. Ancré dans le sol sur les deux tiers de son périmètre, l’anneau s’en détache lorsque la déclivité du terrain s’accentue. Son porte-à-faux est là pour nous rappeler que la paix demeure toujours fragile. En s’élançant à l’assaut de l’horizon, le Mémorial crée un espace en apesanteur, entre ciel et terre. »
L'alliance de l’art et de la nature au service de la mémoire
« Sur le site même où se déroulèrent d’effroyables combats, la nature a aujourd’hui repris ses droits, le Mémorial inscrira demain la mémoire des morts dans l’espace et au-delà célébrera la paix retrouvée. Il révélera, de manière intuitive, à celles et ceux qui le découvriront le sens et l’objet du lieu, dès leur arrivée, en empruntant la saignée pratiquée dans le sol, telle une tranchée en pente douce, qui devient tunnel pour s’ouvrir sur le Mémorial.»
© Aitor Ortiz
500 feuilles d'or pour réunir des ex-ennemis
« À l’extérieur, un ruban de béton sombre, couleur de guerre, posé en équilibre sur la colline dominant les plaines de l’Artois, une ligne horizontale formant un périmètre de 328 mètres surplomblée par la Tour-lanterne haute de plus de 50 mètres. À l’intérieur, 500 feuilles d’un métal doré reflétant la lumière sur lesquelles sont gravés selon l’ordre alphabétique sans distinction de nationalité, de grade ou de religion les noms de 579 606 combattants désormais réunis pour toujours dans une humanité commune.»
Un béton de fibres à ultra hautes performances pour défier le temps
« L’anneau est un ouvrage d’art dans tous les sens du terme : un défi technique, une oeuvre monumentale; l’art au sens où l’artificiel rivalise avec le naturel. L’emploi d’un matériau nouveau – un béton de fibres à ultra hautes performances - rend sa réalisation possible et lui permettra de défier le temps. Après avoir parcouru la galerie, l’on pourra rejoindre le grand paysage en passant sous l’anneau en porte-à-faux sur près de 60 mètres.»
Le mariage du monumental et de l'intime pour dépasser l'horreur de la Guerre
« Pour répondre à l’ambition d’un geste politique fort, nous avons réalisé cette oeuvre unique, visant à dépasser l’horreur de la Première Guerre mondiale pour commémorer ses combattants, pour toujours rappeler l’importance de la Paix et donner à l’Europe comme ligne d’horizon un avenir pacifique. Pour répondre à une telle ambition, il fallait un geste à la fois simple et fort qui conjugue le monumental à l’intime.»
A. LG
© Aitor Ortiz