Recyclage et isolation en fibre de bois : Isonat, industriel avant-gardiste ?
Mably, commune à 80 kilomètres de Lyon (69) et 6 kilomètres de Roanne (42). La verdure des champs alentours flirte avec l’orange vibrant des feuilles automnales, quand nous nous rendons sur le site industriel d’Isonat, marque d’isolants biosourcés en fibre de bois.
La PME tire son nom d’une PME plus ancienne : (isonat) Buitex Industries. Fondée en 1895 à Cours-la-Ville (69) par la famille Buisson, l’entreprise familiale était initialement spécialisée dans la valorisation des chutes de tissus, provenant du bassin textile proche.
Alors que la responsabilité élargie du producteur (REP) se déploie aujourd’hui dans le bâtiment, certains envisageaient déjà la valorisation à l’aune du 20ème siècle. Une idée d’avant-garde que Jean-Pierre Buisson, enfant de la quatrième génération, reprend en créant Isonat.
Double production, double consommation, mais aussi double isolation ?
Le 8 octobre 2013, l’usine Isonat de Mably est inaugurée en présence de François Hollande, à l’époque président de la République. « Ça avait commencé uniquement par des produits qu'on appelle chez nous "rigides", qui sont pour l'isolation extérieure », nous explique Christophe Rogier, directeur général d’Isonat depuis mars 2021, lors de la visite sur le site.
À l’époque de sa nomination, la tête pensante et dirigeante d’Isonat annonçait déjà ses ambitions : doubler la capacité de production du fabricant. En chiffres, il s’agit de passer de 19 000 tonnes de panneaux isolants en 2021 à 42 000 tonnes en 2023. Au départ, l’investissement nécessaire était estimé à 5 millions. Aujourd’hui, il a été multiplié par deux.
« On consomme 40 000 tonnes de plaquettes, et on va consommer du coup 80 000 tonnes de plaquettes avec le doublement de capacité », évoque Christophe Rogier.
Cette quantité dantesque se remarque quand on contemple la montagne de copeaux dressée sur l’usine de Mably. Dans cet amas, on décèle un joli camaïeu de rose, bruns et de beige, couleurs caractéristiques du douglas, qui représente 70 % des matières utilisées, le reste réparti entre le sapin et l’épicéa.
L’apprivisionnement se fait auprès d’une vingtaine de scieries, basées dans un rayon de 60 kilomètres en moyenne autour de l'usine. « On se fournit dans les monts voisins du Beaujolais (…) On utilise du résineux exclusivement parce que la structure de la fibre des feuillus ne permet pas d'avoir un bon produit », nous précise le DG d’Isonat.
« En termes d'équivalence, on isolait à peu près 7 000 maisons [de 100 m2, NDLR]. Aujourd'hui, avec la capacité installée, on peut isoler 16 000 maisons », estime-t-il.
Cap sur l’isolant flexible
Dans le détail, les investissements ont permis de financer un nouveau séchoir, fonctionnant à côté de l’ancien toujours en service, et de deux nouveaux défibreurs.
Ces équipements doivent permettre à la ligne d’isolants rigides et celle d’isolants flexibles de mieux fonctionner simultanément. Ce qui n’était pas la cas auparavant.
« On pouvait faire tourner soit l'une, soit l'autre, mais pas les deux en même temps. Pourquoi ? Parce que la fabrication de la fibre se fait au travers d'un équipement qui s'appelle un défibreur », explique Christophe Rogier. Or, « on avait une capacité de fibrage qui correspondait à la capacité d'une ligne », poursuit-il.
Sûrement le rapprochement entre Isover, filiale du géant des matériaux de construction Saint-Gobain et (isonat) Buitex Recyclage, maison mère d’Isonat, a facilité tout ce déploiement industriel. De cette union en 2016 naît d’ailleurs la filiale Isonat SAS. La collaboration permet d’intégrer en 2017 la fabrication des isolants flexibles à Mably, autrefois installée à Cours-la-Ville. « Isover a consolidé toute la production de fibre de bois », confirme le DG d’Isonat.
De quoi conforter en 2023 la commercialisation de la gamme Flex Contact, qui se compose de deux références : le Flex 40 et le Flex 55. Adressée à l’isolation intérieure, cette offre d'isolants flexibles a « une formulation qui va nous permettre d'avoir un produit qui va être bien meilleur en termes de découpe, de confort de pose », nous précise Christophe Rogier. La conception de la gamme Flex Contact tend aussi à « limiter tout ce qui est poussière. La fibre de bois reste quand même plus poussiéreuse que certains isolants », rappelle le DG d’Isonat.
Les professionnels applicateurs ont eu l’occasion de tester ce produit, notamment au sein du centre de formation, toujours basé à Mably. D’autant que la gamme est soumise à des normes Acermi, a le droit à ses fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES). « Dans 100 % des produits, on a toute une batterie de tests. On évalue différents critères de confort, poussières, etc. », assure Pauline Ledon, directrice marketing d’Isover et de Placo.
Bientôt un mastodonte de l’isolant biosourcé ?
Mais le déploiement d’Isonat est-il bien indiqué, compte tenu des temps difficiles que traverse le marché de l’isolation, enregistrant 311 millions de m2 vendus en 2022-2023 ? « Le marché de l'isolation est quand même en décroissance. On est à -5 %, tous matériaux confondus », rappelle Pauline Ledon. « On est toujours sur une tendance baissière du fait d'une conjoncture qui est plutôt défavorable, avec un coût des matières premières qui reste élevé, et de l'énergie qui ne baisse pas », décrypte-t-elle.
D’autant que la directrice marketing d’Isover et de Placo relève une « baisse assez drastique » dans le marché neuf, qui oscille entre -20 % et -25 % face à la crise de la construction. De l’autre côté, « le marché et le poids de la rénovation qui augmentent », plus précisément à 63 % des parts.
Pourtant, il existe un irréductible segment dans le marché de l’isolation : le biosourcé. « Ce sont des matériaux qui maintiennent une croissance à deux chiffres, plutôt aux alentours de 10 % de croissance, sur 2022, sur 2023. Et on prévoit le même taux sur 2024 », estime Mme Ledon.
Et d’ajouter : « Actuellement le biosourcé, c'est 4 % du marché de l'isolation en France. Donc ça croît, mais ça reste encore un petit marché ».
Un petit marché sur lequel Isonat semble vouloir faire des pas de géant.
Virginie Kroun
Photo de Une : V.K