Coronavirus : le guide publié par l’OPPBTP ne fait pas l’unanimité
Après des jours de batailles médiatiques, les fédérations du bâtiment (FFB, FNTP, CAPEB, OPPBTP) se sont résolues à répondre à la demande du gouvernement : poser les conditions d'une reprise partielle de l’activité. Plus difficile qu’il n’y parait, les fédérations ont dû rédiger un guide des bonnes pratiques sanitaires pour assurer la santé des ouvriers en période d'épidémie de Covid-19. Les chantiers répondant à la liste des conditions sanitaires à respecter peuvent donc officiellement reprendre depuis vendredi 3 avril, bien que de nombreuses entreprises n'y soient pas favorables dans les faits.
Les répliques incendiaires entre le gouvernement et les fédérations du bâtiment ont cédé la place à un guide des bonnes pratiques pour la continuité de l'activité. Il n’en fallait pas plus pour raviver l’étincelle, et engendrer de nouvelles réactions. Cette fois-ci, ce sont les syndicats du BTP qui se sont opposés à cette reprise, mettant en avant un risque pour la santé des salariés. Tous, ou presque, relancent le débat de la continuité du travail, qui permettrait de limiter les pertes économiques, face à l'enjeu de la santé des salariés. Un seul syndicat s’est prononcé en faveur de ce guide et pour la reprise d’activité : la CFDT, second principal syndicat du BTP.
« Nous n’avons pas été entendus »
Les autres syndicats regrettent notamment d'avoir été mis de côté dans cette décision importante. Pour la CGT, le premier syndicat du secteur, FO, la CFTC et la CFE-CGC « les organisations syndicales ont été mises à contribution quand tout était déjà plié ». Leurs revendications n’étant pas écoutées, ils s’opposent à un redémarrage de l’activité qui « mettra de côté la santé et des vies en danger ».
Suite à la publication du guide, les syndicats ont dénoncé un manque de clarté concernant les mesures de sécurité à entreprendre, qui se traduisent dans le document par des formulations telles que « il est recommandé, dans la mesure du possible, selon disponibilité, ou en jetant un doute sur la personne à qui incombe les obligations ». Le guide publié par l'OPPBTP ne répond donc pas aux attentes des syndicats : « Nous aurions souhaité que ce guide permette la continuité des activités portant sur les travaux d’urgence et qu’un autre soit dédié pour l’après-confinement. Nous n’avons pas été entendus ». En conséquence, les syndicats de la profession encouragent les salariés à « utiliser leur droit de retrait s’ils se sentent en danger ».
La CFDT, même si elle ne s’est pas positionnée contre ce guide, sera de son côté attentive à ce que les « employeurs passent du dire a faire, pour qu’ils assurent leurs responsabilités en matière de santé et de sécurité et à celle de leur entourage ».
« Un discours paradoxal »
Les architectes, également plombés par l’impact économique engendré par le coronavirus, se posent également des questions sur ce guide, via l’Ordre des Architectes (CNOA) et l’Union des architectes (UNSFA). En saluant le travail fourni par l’OPPBTP, les deux organismes s’interrogent sur le « discours paradoxal du gouvernement » appelant à durcir le confinement tout en maintenant l’activité du BTP, espérant ainsi maintenir à flot l'activité économique. Selon les architectes, « la question reste entière de savoir quand et dans quelles conditions il (le guide) pourra effectivement être utilisé ».
Les questions se succèdent : Quand le matériel de protection sera-t-il disponible pour les entreprises souhaitant reprendre le travail ? Les instructions du guide seront-elles toujours d’actualité dans les semaines à venir, et dans le cas d’un déconfinement progressif ? Le CNOA et l’UNSFA ne se voilent pas la face, les masques et les gels hydro-alcooliques ne seront pas disponibles « avant que toutes les populations prioritaires en disposent en nombre suffisant ».
Les deux organisations d’architectes préfèrent donc attendre que le comité scientifique se prononce sur un avis favorable à la reprise des chantiers.« Il est par contre envisageable dès aujourd’hui, en respectant strictement les consignes de sécurité du guide, d’organiser certains chantiers sans co-activité ou de travaux publics ». D’un autre côté, les architectes souhaitent reprendre le travail, et « assurer la maîtrise d’oeuvre ». L’Unsfa et le CNOA vont donc travailler avec le gouvernement pour établir le rôle des différents acteurs du secteur, et les dispositions nécessaires pour travailler en sécurité.
Rappelons qu’en attendant, les entreprises du BTP qui le souhaitent peuvent désormais reprendre le cours de leur activité, à condition de respecter les mesures sanitaires édictées dans le guide de l’OPPBTP, validé par les instances gouvernementales et les quatre principales fédérations du bâtiment.
J.B
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