Comment intégrer la génération « Google » dans une entreprise ?
souvent en décalage avec les attentes des dirigeants.
Ils inspirent souvent méfiance et incompréhension aux entrepreneurs qui ne peuvent pourtant pas faire l’impasse sur ces collaborateurs qui représenteront bientôt la moitié de leurs effectifs. Des experts invités par le syndicat des entreprises de Génie Climatique et de Couverture Plomberie de Paris et de sa région (GCCP) et la Chambre Syndicale des Entreprises d'Équipement Électrique (CSEEE) ont débattu avec plus de 250 chefs d’entreprises traitant l’eau et l’énergie dans le bâtiment sur l'intégration de cette génération dans l’entreprise.
Lorsqu’il recrute, un entrepreneur attend de son nouveau collaborateur qu’il intègre les normes de son entreprise et non qu’il les bouscule. Une évidence qui se heurte à une réalité très différente lors de l’intégration d’un jeune Y. Le nouveau collaborateur a, en effet, un rapport à l’autorité bien distincte de celui des générations précédentes : il traite tout le monde d’égal à égal mais « il ne s’agit pas d’impertinence » précise Laurent Bibard, professeur de management à l’ESSEC.
Les jeunes Y zappent d’une entreprise à l’autre
Il a également besoin de sens : il tient de manière vitale aux notions de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), au Développement Durable et à l’éthique qui ne sont pas pour lui des vains mots. Il veut également pouvoir donner un sens à son travail, pour lequel il n’est, par ailleurs, nullement prêt à sacrifier sa vie personnelle. Très familier des nouvelles technologies, le jeune Y est doué d’une grande souplesse d’apprentissage et d’adaptation. Habitué à l’instantanéité, il apprend vite. Mais en corollaire, il veut tout, tout de suite. Il attend un écho immédiat sur son travail accompli et une disponibilité constante et instantanée de son manager.
Pour un Y, attendre est impossible. Julien Pouget, spécialiste du management et des ressources humaines, auteur de l’ouvrage de référence en la matière : « Intégrer et manager la génération Y », parle de « Génération Google ». D’après lui, « ce qui intéresse les Y c’est le résultat, pas la façon de le trouver. Ils considèrent le manager comme un véritable moteur de recherche qui doit pouvoir apporter des réponses à tout et à tout moment ».
Malgré ce décalage, il faut composer au mieux avec ces jeunes car, comme le souligne le Président de la CSEEE, Jean-Luc Tuffier « les êtres humains sont la première richesse de l’entreprise ». D’après Laurent Bibard, si les jeunes Y zappent d’une entreprise à l’autre, c’est pour trouver du sens : « l’économie leur prouve chaque jour qu’il n’est pas pertinent de tout donner pour le travail » estime le professeur. Un point confirmé par Joseph Lasserre, jeune Y et dirigeant de la société ENERPUR : il confie avoir fréquenté plusieurs entreprises puis monté sa propre affaire pour trouver un sens à sa vie professionnelle.
Une bonne intégration passe par le dialogue
« S’ils savent où ils vont, les jeunes Y sont capables d’un énorme engagement » certifie Laurent Bibard. Ils deviennent alors un formidable atout pour leur entreprise qui, à leur image, doit être en mesure de s’adapter immédiatement à un environnement imprévisible « en désapprenant puis réapprenant avec des équipes à la fois compétentes et capables de remettre en question ce qu’elle fait » précise-t-il. « Si les jeunes Y sont difficilement saisissables, savoir les intégrer entraîne un apprentissage au changement », aujourd’hui indispensable pour les entreprises.
L’arrivée des collaborateurs de la génération Y suscite de nombreuses interrogations de la part des dirigeants, notamment sur la façon de les intégrer au sein des équipes, souvent composées de trois ou quatre générations distinctes. Pour Laurent Bibard, une bonne intégration passe par le dialogue : « Il faut que tout le monde réapprenne à expliquer. Ce qui est évident pour les anciens est inconnu des jeunes, qui ne fonctionnent pas avec les mêmes valeurs. » Les experts déconseillent d’ailleurs de cloisonner le management en fonction des générations, il doit rester global. De leur côté, les entrepreneurs s’accordent sur la nécessité de former leurs managers au mode de fonctionnement de ces jeunes et sur la nécessité d’être réactifs face à ces Y qui veulent qu’on donne un sens à leur action et qui n’ont qu’une question à la bouche : « Pourquoi ? ».
Ainsi, l’une des clés pour intégrer la génération Y est la responsabilisation. S’il est soumis à une hiérarchie trop lourde, le jeune se sent étouffé, si on ne répond pas à ses questions, à sa quête de sens, il se sent délaissé. Il faut donc trouver le juste équilibre et surtout le responsabiliser en mettant en œuvre un véritable travail d’écoute et de dialogue. Laurent Bibard insiste, « c’est à nous de faire un effort vers eux et on a tout à y gagner ».
Les jeunes de la génération Y attendent de leur manager trois attitudes essentielles : l’écoute, le respect et la considération. Pour eux, le manager doit être disponible à tout moment, sans formalisme, même en cas de désaccord. Il doit les respecter dans leur choix de vie et dans leur vie professionnelle sans discrimination : il veut, par exemple, les mêmes avantages que ses collègues, même s’ils ont plus d’ancienneté. Face à ces attentes, la fonction du manager doit consister à autonomiser le jeune collaborateur.
La question du tutorat est essentielle
Julien Pouget préconise le renvoi de question : « par exemple, si le jeune vous interroge sur la raison du port des chaussures de sécurité, renvoyez-lui sa question. C’est une façon de le responsabiliser ». Certains dirigeants réagissent vivement à ce type de comportement, ayant l’impression de jouer le rôle de parent, ce que confirment les experts. Pour Laurent Bibard, « c’est à nous de redonner confiance, de responsabiliser, d’expliciter, de refabriquer les repères ». Julien Pouget affirme que le manager doit se comporter à la façon d’un coach : « Il faut être très présent auprès de ces jeunes collaborateurs. C’est une génération très émotionnelle qu’il faut accompagner. » De plus, il ne suffit pas d’édicter des règles, il faut expliquer à quoi elles servent et être soi-même exemplaire si l’on veut espérer qu’elles soient respectées.
Dans les métiers du BTP, la question du tutorat est également essentielle et s’avère complexe avec des Y qui remettent en cause l’autorité des aînés. Cependant, si certains dirigeants se laissent tenter par la création de binômes issus de la même génération, les experts préconisent quant à eux les tutorats croisés. D’après Julien Pouget, ils permettent « un apprentissage dans les deux sens ». L’ancien transmet au jeune le métier et la culture de l’entreprise tandis que le jeune enseigne au plus expérimenté à paramétrer son téléphone, à utiliser un réseau social, etc. Il n’est ainsi plus question d’autorité mais d’échange de compétences. Mais, pour que le duo fonctionne, le tuteur ne doit pas être choisi au hasard, ni désigné d’office car il doit être guidé par son envie de transmettre. Julien Pouget souligne qu’un tuteur doit avoir trois qualités principales « il doit être bon dans son métier, pédagogue et volontaire ».
A la fois complexe à appréhender et incontournable pour les entreprises, la génération Y n’a pas fini de poser question aux dirigeants. Avec elle, pointe une évidence : le contrat social traditionnel (études, diplôme, travail donc logement et vie décente, retraite) n’existe plus, y en aura-t-il un nouveau ? Les jeunes Y bousculent l’ordre établi et apportent un regard inédit sur le monde du travail. Avec leur arrivée, certains chefs d’entreprise confient même revoir leurs valeurs et leurs engagements au sein de l’entreprise. Collaborateurs de demain, les jeunes de la génération Y remettent en question les organisations. Comme le rappelle le Président du GCCP Patrick AIMON : « N’oublions pas qu’ils sont également nos futurs clients : il devient urgent d’apprendre à travailler avec eux pour avancer ensemble ».
B.P