Tracktor, un facilitateur d’échange entre le loueur de matériel et l’entreprise de BTP
L’aventure Tracktor commence avec la rencontre entre deux ingénieurs travaux, Idir Ait Si Amer et Julien Mousseau. Le premier vient d’une famille d’entrepreneurs du BTP. Le second a un proche loueur de matériel.
Ils ont donc rapidement « remarqué que la location de matériel était très chronophage des deux côtés, parce que le marché était atomisé, parce que le marché était opaque », explique Idir Ait Si Amer. « Pour un entrepreneur qui avait besoin de louer du matériel, ça prenait beaucoup de temps pour consulter les loueurs à proximité de son chantier et les dispos, demander un prix et négocier, faire des ouvertures de comptes avec des documents administratifs. Et puis il y a une qualité de service qui peut être hétérogène », poursuit-il.
Il ajoute : « Côté loueur, c’est à peu près la même chose. Le loueur passe sa journée à répondre à des demandes de devis, faire des relances commerciales - avec un devis sur cinq, voire sur dix, qui va aboutir à une location -, beaucoup de travail administratif pour ouvrir un compte, récupérer des pièces, éditer un contrat, etc. Et puis comme le marché du BTP est très atomisé, les loueurs vont travailler avec des centaines de clients différents, et du coup une gestion du risque qui peut être compliquée en termes d’impayés et de casse ».
Fluidifier les échanges entre l’entreprise et son loueur de matériel
Dans ce contexte, Tracktor, tend à jouer un rôle de facilitateur. Concrètement, la plateforme digitale orchestre au quotidien la mise en relation entre le loueur de matériel et son client.
Le start-up commence par agréger des loueurs à proximité de l’entreprise. Aujourd’hui, 400 agences de location partout en France, peuvent recevoir des demandes d’entreprises de construction et de l'industrie. L’outil tend à faire gagner du temps au loueur sur l’administratif, en générant automatiquement des devis ou contrats, listant ce qui a été payé ou pas. Il est également possible de scanner et rendre directement accessibles les factures au comptable, dans le but d’éviter les traditionnels et fastidieux transports par voie postale, tampons et envois à la comptabilité.
Ainsi, l’agence de location peut générer entre 100 000 et 300 000 euros de chiffre d’affaires annuel, selon Tracktor. Le tout en couvrant d’éventuels risques (casse, impayés ou litige).
« À date, il y a eu zéro impayé avec Tracktor. Et ça c’est important pour des loueurs qui en temps normal ont entre 3 à 5 % de leur chiffre d’affaires qui est impayé », estime Idir Ait Si Amer. Une gestion des risques possible grâce à des partenariats « avec SMA BTP, qui assure tout le matériel qui passe par la plateforme, et sur les impayés on travaille avec un assureur qui s’appelle Hokodo », précise-t-il.
Pour l’entreprise du BTP, Tracktor présente l’avantage de faire la réservation en deux ou trois minutes, dans des prix « cohérents avec le marché ». La plateforme comprend également une fonctionnalité permettant à l’entreprise de gérer et dématérialiser ses processus internes.
« On a un client, son métier c’est d’installer des bornes WiFi dans des chaînes de magasin. Donc il va créer un projet par client. Et derrière, à chaque fois qu’il va avoir besoin de matériel, il va faire sa location depuis Tracktor, et la plateforme va lui dire « sur ce client-là, voici l’historique du matériel loué pour effectuer le projet, et voici le niveau de dépenses ». Du coup, cela permet une finesse dans les gestions de ces dépenses en tant que PME », expose le co-fondateur de Tracktor.
Le digital, l’allié face aux pénuries et aux contraintes d’approvisionnement ?
Des petites structures qui sont exposées aux pénuries et contraintes d’approvisionnement, ce qui a tendance à désorganiser les chantiers, d’après Idir Ait Si Amer. L’intéresse évoque même une demande « du jour en lendemain » de divers matériaux disponibles à la location sur Tracktor : nacelle, chariot télescopique, pelleteuse, etc. Le tout destiné à des artisans issus de différents horizons, de la VRD à la plomberie.
« Là où ça marche bien, c’est tout ce qui est enveloppe extérieure, donc les gens qui font du ravalement, de la couverture, de la charpente, du bardage », énumère le co-fondateur de Tracktor. Face aux pénuries « on ne sent pas encore une baisse d’activité de chantier, parce que je pense que les difficultés d’approvisionnement seront compensées par d’autres phénomènes dans un second temps », développe-t-il. Il faut dire que la tendance recule, à en croire le dernier rapport de l'AIMCC sur les industries de la construction.
Côté loueurs, qui renouvellent un cinquième de leur parc matériel tous les ans, l’approvisionnement en machines prend du temps. Pourquoi ? « Parce que les constructeurs ont des délais de construction plus importants qu’avant, parce qu’eumêmes sont impactés par la rareté de certains matériaux, de semi-conducteurs, etc. », nous éclaire Idir Ait Si Amer.
« Comme ils ne peuvent pas acheter, parce que ça prend du temps, ils vont vendre moins de machine et garder leur matériel un peu plus longtemps. Peut-être qu’à terme ça va avoir un impact sur la vétusté du parc matériel français, qui va peut-être prendre cinq-six mois en plus en temps normal », observe-t-il.
Autant dire que la place du numérique dans la résolution de ces tensions tend à s’affirmer. « Je pense que le Covid a été bénéfique sur la partie remise en question. On se dit qu’il faut trouver de nouvelles façons de travailler, beaucoup plus efficientes. Lorsqu’on observe la journée d’un conducteur travaux ou d’un chef de chantier, ça commence très tôt, ça finit très tard. Ils passent leur vie à éteindre des feux, à gérer des urgences de gauche à droite. Il y a un besoin de les libérer de toutes ces tâches chronophages, et sans valeur ajoutée, et leur redonner le sens même de leur métier, qui est de suivre leur chantier, de terminer en temps et en heure, et avoir une prestation de qualité », commente Idir Ait Si Amer.
Dynamique qui s’est accélérée selon lui sur les douze derniers mois, grâce à plein de solutions digitales, de l'organisation au suivi de chantier, en passant par le recrutement de compétences.
12 millions d’euros de fonds pour recruter
Mise en relation, gestion des dépenses, automatisation des démarches administratives… Derrière l’ensemble des fonctionnalités de Tracktor se cache une équipe de 40 personnes. Parmi eux, on compte un tiers rattaché à la technique, un tiers au commercial et au marketing, ainsi qu’un tiers à la fonction support-relation client.
Et leurs rangs devraient se remplir d’ici fin 2022, grâce à une levée de fonds de 12 millions d’euros obtenue par la start-up auprès d’investisseurs tels qu’AXA Venture Partners (AVP) et Bpifrance, mi-février. Le projet ? Recruter 50 personnes supplémentaires, réparties entre deux corps de métiers.
D’abord la partie recherche et développement, car Tracktor cherche à développer une application mobile, mais pas seulement. Une autre ambition de l’entreprises consiste à exploiter les données tirées des volumes de transactions entre le loueur et l’entreprise. Cela permettrait notamment de prédire les matériaux les plus demandés à l’instant T, mais aussi d'établir une moyenne de temps d’utilisation du matériel par entreprise. Des informations utiles pour le loueur cherchant à anticiper ses stocks et ses réservations.
Deuxième poste de recrutement de Tracktor : le marketing et le commercial, dans le but d’étendre son rayonnement. « On a envie de construire un leader européen. Sur 2022 on va rester en France, parce qu’on a beaucoup de choses à faire ici. Mais on veut aller vers d’autres pays et commencer à y réfléchir dès 2023 », conclut Idir Ait Si Amer.
Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Tracktor