Un lieu, une expo ... Le Jardin-Théâtre Bestiarium
Montré à quatre reprises, d'abord au P.S.1 Museum de New York, puis au Théâtre Lope de Vega de Séville et enfin au Confort Moderne de Poitiers où il a été enrichi de dispositifs de projections zénitaux, de gradins pour le public et de monumentales tables-scènes, le Jardin-Théâtre Bestiarium a été exposé également pendant quelques années dans le château d'Oiron (Deux-Sèvres) après avoir été acquis en 1990 par le Fonds national d'art contemporain.
En grande partie restauré suite à d'importants problèmes de conservation, cet ensemble est considéré aujourd'hui par de nombreux amateurs comme la première exposition a avoir renoué dans les années 80 avec les expériences de synthèse des arts conduites sous l'Ancien Régime (ballets de cour, opéras, jardins-théâtre, galeries de peinture, etc.) et par les avant-gardes du début du XXème siècle attachées aux notions de Gesamtkunstwerk et d'oeuvre d'art total.
Ainsi, le Jardin-Théâtre Bestiarium rompt avec la règle dominante des expositions « blanches », éclatantes, silencieuses et « unrelational » (Ludger Gerdes) destinées à des « white cubes », dans lesquels les oeuvres étaient et sont encore bien souvent présentées par les commissaires et les conservateurs à distance les unes des autres, séparées par des socles, des cimaises, des vitrines, et signalées par des cartels d'inventaire.
Jardin artificiel, allégorique et miniature tel qu'on en trouvait jadis dans les livres érudits et merveilleux mais aussi dans les palais et les cabinets de curiosités, à mi chemin de l'exposition d'oeuvres et de l'exposition comme oeuvre, le Jardin-Théâtre Bestiarium est également un forum, un cirque, un plateau, un lieu de débat et un champ de bataille dont les oeuvres (maquettes, sculptures, peintures, films, projections de diapositives) et le public constituent les acteurs, les figurants ou les combattants.
C'est enfin la transpostiion d'un paysage postmoderne (à la fois ville, campagne et musée à ciel ouvert), un dérivé des expositions universelles et des parcs d'attraction (avec sculptures et pavillons) et un grand livre ouvert dans lequel le visiteur, devenu promeneur et « performer » (comme souvent dans les oeuvres de Dan Graham) est invité, tel Alice au Pays des Merveilles, à se promener parmi des images devenues objets et dont l'échelle est incertaine...