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L’accessibilité de tous les bâtiments, un combat qui reste encore à mener

Publié le 08 juillet 2019

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L’essentiel des règles concernant l’accessibilité des bâtiments pour les personnes à mobilité réduite est censé être réglé depuis la loi de 2005, adoptée sous la présidence de Jacques Chirac et grâce à sa forte implication sur le sujet. Or 14 ans après, on est très loin d’avoir réglé tous les problèmes qui se posent, notamment pour les petits établissements recevant du public. Nicolas Mérille, conseiller national Accessibilité & Conception universelle à l’Association des Personnes Handicapées, APF-France Handicap, nous explique en détail pour quelles raisons on en est arrivé là.
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Le volontarisme de Jacques Chirac

APF France Handicap est une association apolitique, ce qui est important pour comprendre que les points de vue exprimés reflètent un jugement factuel sur les choix faits nationalement par rapport au handicap.

Dans l’histoire de la prise en compte du handicap, la position des chefs de l’état successifs et de leurs gouvernements et l’intérêt qu’ils ont porté au sujet a eu des conséquences parfois positives mais souvent négatives.

 

30 ans après la première loi Handicap de 1975, pas grand-chose n’avait été fait.

Le Président Chirac, lui-même parent d’un enfant en situation de handicap, en fait une des priorités de son second septennat, qui débute.

Il est à l’origine de la loi votée en 2015 qui prévoyait, pour faire simple, que les bâtiments existants soient accessibles d’ici à 2015.

La loi de 2005, relativement bien équilibrée, a prévu trois motifs de dérogation dans l’existant : Impossibilité technique avérée, disproportion économique ou conservation du patrimoine architectural.

2005-2007 les administrations centrales font un énorme travail de rédaction des textes d’application dans tous les domaines d’application de la loi, qui ne se limitait pas à l’accessibilité des bâtiments.

En 2007, la quasi-totalité des textes réglementaires était disponible.

À ce moment-là, une réelle politique publique aurait pu s’engager, c’est-à-dire une communication ministérielle régulière vis-à-vis du grand public et des corps intermédiaires pour bien rappeler les objectifs de la loi, et la mise en place de moyens budgétaires et fiscaux permettant d’appliquer la loi. Or en 2007, un nouveau président de la République, Nicolas Sarkozy, est élu. Ce dernier n’a pas du tout la même sensibilité au sujet du handicap que Jacques Chirac.

 

Les retards s’accumulent

Que ce soient les associations, le CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées) ou l’APF, qui ne s’appelait pas encore APF France Handicap, ont manifesté leur étonnement de ne rien voir venir, pas plus en 2008 qu’en 2009. « C’était l’inertie la plus totale et on allait droit dans le mur » rappelle Nicolas Mérille.

Pourtant, durant tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy, le discours de tous les ministères concernés était le même : « Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer, l’échéance de 2015 sera respectée. » 

2010, 2011, 2012 passent et on voyait très bien qu’on allait aller dans le mur !

En 2012 il y a changement de président, et Marie-Arlette Carlotti, la nouvelle ministre déléguée aux Personnes handicapées et à la Lutte contre l’exclusion nommée par François Hollande, rend public, trois mois après l’élection présidentielle, un rapport de l’IGAS sur l’accessibilité qui n’avait pas été rendu public lors de sa remise au public en octobre 2011.

Ce rapport notait noir sur blanc que, quelle que soit la somme consacrée au sujet, il était impossible de rendre la France accessible à deux ans et demi de l’échéance de 2015.

Des groupes de travail pilotés par la délégation ministérielle à l’accessibilité ont permis de mettre autour de la table les différents intervenants, des ministères concernés aux représentants du logement, de l’hôtellerie-restauration, etc. et sept des associations centrées sur les handicaps.

 

Report de l’échéance de 2015 et nouveaux motifs de dérogation

Le report de l’échéance de 2015 s’est imposé vite imposé mais d’énormes reculs ont été constatés par rapport aux ambitions de la loi de 2005 (dans les transports, l’ADHAP notamment).

Le report des échéances n’a pas été le seul sujet débattu, car un quatrième motif de dérogation à la loi a aussi été mis sur le tapis.

Il s’est agi de permettre aux AG de copropriétaires de refuser sur décision motivée une mise en accessibilité, ce qui fait que jusqu’à aujourd’hui un copropriétaire qui demande la mise en accessibilité des parties communes d’un immeuble, sans demander de participation financière aux autres copropriétaires et en prenant intégralement les travaux à sa charge, peut se voir opposer un refus de la copropriété.

« C’est moralement choquant et ça en dit long. Nous recevons régulièrement des exemples de ce type » ajoute Nicolas Mérille.

Il y a aussi la modification du rôle des CCDSA (Commission Consultative Départementale de Sécurité et d’Accessibilité) en leur permettant d’avoir un régime d’autorisation implicite concernant les dérogations et certaines simplifications administratives, « ce qui ouvre la boite de pandore aux dérogations de tout ordre. »

La logique de la loi de 2005 reposait sur le risque de sanctions pénales pour tout gestionnaire d’ERP qui n’aurait pas mis ses établissements en conformité.

L’APF France Handicap aurait préféré un régime de sanctions automatiques, pour éviter que les personnes handicapées supportent les coûts et les aléas d’une procédure pénale, au risque de se mettre aussi « tout le quartier à dos. Comment porter plainte contre l’épicerie ou le coiffeur de quartier sans risquer de se faire mal voir par la communauté ! »  

Difficile de s’intégrer socialement, quand, en plus de vivre une vie différente, de tout calculer pour le moindre transport par exemple, il faudrait supporter en plus la stigmatisation sociale que constitueraient des actions en justice contre des commerçants ou des acteurs locaux.

 

2019, les petits ERP majoritairement non conformes

En 2019, les grands acteurs, tels que les collectivités locales ou les acteurs privés de grande taille, se sont en général mis en ordre de marche sur le sujet.

Les établissements de 5èmecatégorie dits isolés (ERP de petite taille n’appartenant pas à un grand groupe, voir encadré) comprennent la plupart des commerces de détail, mais aussi les petits établissements paramédicaux, cabinets médicaux, etc.

Ces établissements ont la possibilité de faire une déclaration sur l’honneur pour attester de leur accessibilité.

Le conseil APF de la région Pays de Loire a fait une étude assez exhaustive sur 1542 ERP de 5èmecatégorie et a constaté que 86% des attestations sur l’honneur étaient erronées. Cet exemple montre que contrairement à ce qu’affirme régulièrement chaque nouveau gouvernement, on ne peut pas travailler dans la confiance. La France à un problème culturel avec le handicap, mais également avec l’accessibilité. 

Logo APF-France Handicap

L’accessibilité c’est pour tout le monde !

L’accessibilité des bâtiments ne sert pas qu’aux personnes en situation de handicap mais aussi aux personnes âgées, aux personnes blessées aux femmes enceintes, etc.

Si le monde du handicap a été très heureux du vote de la loi de 2005, ça a été une erreur de mettre l’accessibilité des bâtiments dans une loi traitant du handicap.

Mais cela a créé l’équation accessibilité=handicap=personnes en fauteuil roulant auprès des décideurs publics ou privés.

Et du coup les investissements nécessaires, parfois importants peuvent paraître disproportionnés pour le seul public des « personnes en fauteuil roulant » !

« Si un maire doit arbitrer un investissement de 200 000 € pour mettre un bâtiment municipal aux normes pour une personne en fauteuil roulant dans sa commune, en bon gestionnaire des deniers publics, il va trouver ça disproportionné... » prend comme exemple Nicolas Mérille. Et il continue « Mais si on lui explique que cela concerne aussi les personnes âgées, aveugles, sourdes, avec des problèmes psychiques, les femmes enceintes, les milliers de poussettes pour enfant, mais aussi les livreurs, les manutentionnaires... il pourrait voir les choses autrement. »

 

L’APF a réclamé depuis des années une véritable campagne de communication pédagogique, un peu à l’exemple de celles qui sont menées très régulièrement pour la sécurité routière. Or pour les personnes qui sont éloignées des problématiques du handicap, cela peut faire peur. Il y a donc un énorme travail de pédagogie à faire , or il n’y a eu aucune politique publique dans ce domaine. Dans ce domaine, la politique de communication de la plupart des gouvernements a été de dire « Cachez cette ambition que nous ne saurions voir »... « Cela est peut-être dû à la tradition catholique de la France, où le handicapé est vu comme un objet de compassion, et on reste donc dans l’aide et donc dans la compensation. Ce n’est pas ce qu’on trouve dans les pays de tradition protestante, ou l’individu, quel qu’il soit est vu comme un être unique, sujet de droit, qui doit être autonome dans ses prises de décision. » 

Le sujet est complètement pris autrement dans les pays anglo-saxons et scandinaves.

 

L’ONU règle le cas de la France

Autre exemple, la France a signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2006. La commissaire de l’ONU en charge du suivi de l’application de la Convention est venue en France en 2017. Dans son rapport on peut lire la phrase suivante « En France, les personnes en situation de handicap sont des objets de soin et non pas des sujets de droit. » En une phrase elle a résumé la situation, conclut Nicolas Mérille.

 

Et comme en France, les obligations réglementaires instituent une obligation de moyen, on en arrive à des situations où toute la réglementation est extrêmement détaillée, avec des obligations qui s’expriment au millimètre près, plutôt que de fonctionner par objectifs de résultat, en disant par exemple que toute personne doit aller partout dans un établissement neuf. Résultat, la loi sur l’accessibilité en Allemagne fait cinq pages.

« En France, la réglementation a été perçue comme âpre, technique, tatillonne et cela n’a pas aidé les personnes qui doivent appliquer la loi à comprendre la raison de la règle. Par exemple l’aire de giration, un cercle d’un mètre cinquante, que les architectes doivent mettre sur leur permis de construire dans chaque pièce. Donc ils mettent ce cercle mécaniquement, sans vraiment comprendre son utilité. Or il est là pour permettre au fauteuil de faire demi-tour... »

 

La formation, une étape essentielle

Autre exemple, il y a 118 (!) formations initiales, du CAP à l’ingénieur, qui doivent insérer dans leur cursus un module de formation sur l’accessibilité. Mais ce n’est pas fait, bien sûr !

Cela va de l’ébéniste au maître d’hôtel, en passant par l’acheteur industriel et bien sûr l‘architecte.

L’APF a sollicité le ministère de la Culture, la tutelle des 23 écoles d’architecture pour faire une enquête sur l’application de cette obligation réglementaire concernant les formations.

Sur 23 écoles, seules 13 ont répondu et sur ces 13, 12 faisaient exactement ce qu’il ne fallait pas faire, c’est-à-dire un apprentissage bête et méchant de la réglementation.

Une seule école traitait la question du point de vue des usages et des besoins des personnes en situation de handicap.

« Et comme par hasard,  on doit cette approche à une architecte en fauteuil roulant qui mettait les étudiants dans différentes situations de handicap, par exemple en situation d’aveugle, pour bien leur faire ressentir les sensations de la personne concernée.

Les étudiants pouvaient ressentir ce qui, dans un bâtiment, pouvait les aider ou être un obstacle pour leur mobilité... »

La suite de l’interview dans l’article suivant...

 

Propos recueillis par Régis Bourdot

Illustrations © APF-France Handicap

 

 

 

Les ERP comprennent cinq catégories :

Catégories d'ERP
en fonction de la capacité d'accueil

Catégorie

à partir de 1 501 personnes

1

de 701 à 1 500 personnes

2

de 301 à 700 personnes

3

jusqu'à 300 personnes

4

inférieur aux seuils d'assujettissement

  5 *

* Établissements dans lesquels l'effectif du public n'atteint pas le chiffre minimum fixé par le règlement de sécurité pour chaque type d'exploitation.

 

 

Nicolas Mérille, Conseiller national Accessibilité & Conception universelle, APF France handicap

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