L’habitat des jeunes, entre utopie et réalité immobilière (étude)
Certes, Bouygues Construction est une entreprise B2B, donc sans vraiment de lien direct avec l’utilisateur final. Toutefois, « aujourd’hui on ne peut concevoir, construire, rénover, ou exploiter des lieux de vie, sans prendre en compte les aspirations des utilisateurs finaux », ajoute Virginie Alonzi, chargée de la prospective du grand groupe, qui présentait ce matin une étude sur les usages et attentes des jeunes en termes d’habitat.
Intitulée Habiter Demain, l’enquête se base sur les réponses de deux échantillons de 1000 interrogés, de la tranche 15-25 ans. Le premier panel a été sondé début 2020, le second début 2021, par Jam, bureau d’étude recourant à l’outil chatbot de Messenger pour récolter ses données.
« Rêveurs », « exigeants », « consommateurs » mais « responsables » : tel est le portrait de la génération Z. Des jeunes qui doivent choisir leur logement « avec pas mal de contraintes, de budget, de lieu, parce qu’ils doivent être souvent proches de leurs études, de chez leurs parents. Créer un cocon pour eux, c’est souvent avec les moyens du bord », expose Marjolaine Grondin, co-fondatrice de Jam.
Une jeunesse qui rêve d’espace et d’ouverture
Parmi les sondés, un tiers des sondés vivent seuls, un autre tiers avec leurs parents, contre 20 % vivant en couple. Globalement, si 44 % seulement se sentent bien dans leur logement actuel, 63% aimeraient l’améliorer. Alors que le choix d’un logement s’orienterait plus selon sa localisation (pour 49 % des répondants), la surface (28 %) et le prix (28 %), les priorités en termes de changements différent.
La surface reste le premier poste de changement (51 %). « Cependant, à budget équivalent, 70% des 15-25 ans opteraient pour un logement moins grand avec un extérieur, contre un logement plus grand sans extérieur », précise l’étude. Il faut dire également que dans le logement de leur rêve, la présence d’une cuisine ouverte (33 %), d’un jardin (31%), voire d’un balcon (17%), est cruciale.
Des besoins bouleversés par les confinements
Autres postes importants de changement : l’isolation phonique (18 %), une cuisine (9 %) ou la salle de bain (7 %). Des besoins de confort, sans aucun doute boostés par la crise sanitaire, qui appelé les jeunes à faire de leur logement un endroit lié au bien-être. Pour preuve, 84% se sont engagées dans des habitudes positives (prendre du temps pour soi, faire plus de sport, lire, se faire à manger, développer de nouvelles passions) durant ces périodes.
Bien que 69% des interrogés situent leur logement idéal en ville ou en périphérie et 43% citent une « grande ville » comme leur lieu de vie idéal, la vie urbaine perd en intérêt, son animation et sa vie sociale ralenties par la pandémie. En parallèle, l’appel de la nature se fait plus fort, car 63 % du panel souhaiterait vivre près d’un parc, d'une micro forêt ou de nature sauvage pour une « sensation de changement de décors ».
Toujours concernant le confort, deux tiers des interrogés aspirent à acheter, davantage motivés par l’investissement (73 %), que par l’envie d’avoir un habitat à soi (27 %). 35 % opteraient pour le neuf, tandis qu’un jeune sur deux n’a pas de préférence définie. Parmi ceux qui ne veulent pas acheter d’appartement, 83% évoquent préférer une maison.
Différents profils pour différents usages du logement
80% des jeunes passent plus de 3h chez eux en moyenne par jour (hors heures de sommeil). Au-delà des penchants immobiliers, l’étude classe six profils d’usage de logement. Les profils « cocooning » et ceux « couteau suisse » (centrés sur la modularité), occupent la moitié des sondés.
Ayant grandi à l’ère des réseaux sociaux et de l’uberisation, 92% des jeunes sont prêts à partager des espaces ou utilitaires avec d'autres habitants du quartier. Il peut s’agit d’une salle de sport (29%), d'un potager (22%), du compost (18 %), d'une terrasse (13 %) ou une pièce supplémentaire (6 %). Pour ce qui est du coliving, le concept qui consiste à mutualiser certains espaces (cuisine, etc.) tente 43 % des jeunes, notamment ceux âgés de 22 à 25 ans, engagés dans la vie active
Soucieux de personnaliser leur habitat, 9 jeunes sur 10 aimeraient convevoir via le design 3D de leur logement. Cependant, à notre surprise, le recours au connecté pour gérer son logement ne séduit que 45 % des sondés, une partie craignant un piratage de leur système de sécurité, par exemple. C’est pour cette raison que les caméras de surveillance et les serrures arrivent en bas du classement des usages du connecté chez les jeunes. Ces derniers privilégient plus cette solution pour piloter le chauffage (32 %), les stores (21 %) ainsi que les lumières (20 %)
Sécurité, transports, écologie… Des attentes vis-à-vis du quartier
Le quartier et le cadre de vie sont un autre volet consacré par l’étude de Bouygues Construction et Jam. En effet, l’animation du quartier (commerces, restaurants, bars, cinéma...) sont le premier critère de choix d’un logement pour cette population. En seconde place, on note la sécurité, 80 % des répondants s’étant déjà sentis en insécurité dans leur ville. Les solutions évoquées par le panel afin d’y faire face sont loin d’être coercitives, privilégiant l’éclairage des rues, l’entraide entre voisins ou un renforcement des forces de l’ordre.
Alors que plus d’un tiers des jeunes mettent plus de 30 minutes dans leurs trajets quotidiens (dont à 59% en Ile-de-France), 6 jeunes sur 10 habitants des grandes villes sont attachés à l’accès aux transports en commun. En parallèle, dans les régions moins densément peuplées, la voiture reste le mode transport n°1 pour 27% des jeunes.
Toutefois pour 13 % du panel, l’impact écologique du mode de déplacement reste plus important leur efficacité. D’ailleurs un quart des 15-25 ans ont un penchant vers les modes de transport plus verts. Se dessine alors le visage d’une jeunesse engagée, 78 % étant prête à s’impliquer dans une cause près de chez eux, notamment l’écologie (16 %)
D’après Stéphane Slama-Royer, directeur général adjoint de Linkcity, promoteur immobilier de Bouygues Construction, les jeunes devront concilier rêve immobilier avec la sûreté environnementale. « L’immobilier met du temps à se renouveler, il y a 37 millions de logements en France. Il va falloir une trentaine d’années pour renouveler le stock. Je crains déjà que nos jeunes doivent pour l'instant se contenter de l’existant », commente-t-il.
D’autant que les mesures gouvernementales limitent l’artificialisation des sols et l’étalement urbain qu’impliquent la construction neuve. Toutefois, cela n’empêche pas Linkcity d’appliquer une offre de logement, déjà présente dans les pays anglo-saxons. Celle-ci vise à allier confort, accueillant jusqu’à six personnes, et mutualisation des équipements (cuisines, terrasses, espaces de coworking…) Un modèle cherchant à baisser le coût énergétique, mais aussi économique, car il tend à s’aligner sur les prix du marché adressé aux étudiants.
Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock