Kiloutou VS Covid-19 : le groupe s’organise
Quelque temps avant l’annonce du confinement, certaines entreprises prenaient des mesures drastiques pour pallier la propagation du virus, est-ce votre cas ?
Olivier Colleau : « Avant l’annonce du confinement, cela faisait trois semaines que nous étions en cellule de crise. Le virus était déjà arrivé en Italie (où le groupe Kiloutou est présent NDLR) nous permettant ainsi d’avoir des informations. Nous avions commencé à communiquer sur les gestes barrières à respecter tant auprès de nos équipes en agence qu’à l’ensemble de nos fonctions supports. Cela veut dire ne plus avoir de contact physique, ne pas se serrer la main, ne pas se faire la bise, se laver les mains régulièrement etc… Nous avions déjà commencé à arrêter les déplacements, annulé pas mal de réunions, et incité les gens qui le pouvaient à rester chez eux. Donc il y avait des mesures qui avaient été mises en place. Nous n’étions pas en confinement total, mais ces mesures avaient déjà pour vocation à limiter la propagation du virus ».
Une fois qu’Emmanuel Macron a annoncé cette décision de confinement, avez-vous changé l’organisation jusqu’ici déployée ?
O.C. : « L’annonce d’Emmanuel Macron nous a amené à prendre cette décision de fermer l’ensemble de nos agences en France afin de mettre en sécurité les équipiers Kiloutou et leurs proches. C’était et cela reste notre priorité. À ce moment-là, nous avons également constaté une mise à l’arrêt brutale de l’ensemble des chantiers de construction. Il était impressionnant de voir à quelle vitesse entre le 16 et le 17 mars les chantiers se sont arrêtés, ce qui n’a fait qu’accroître la décision de fermer nos agences. Nous avons mis cette période à profit pour préparer le modèle de redémarrage des agences, et pour concevoir les protocoles de protection sanitaires de nos équipes et de nos clients afin de leur permettre de retravailler en parfaite sécurité ».
Pendant cette période de fermeture des agences, l’activité de Kiloutou s’est-elle arrêtée, ou a-t-elle continuéà minima ?
O.C. : « La construction représente à peu près les deux tiers de notre activité. L’arrêt des chantiers de construction nous a impacté., même si certains chantiers, mais vraiment très peu, ont continué. Il y avait environ 5 % des chantiers qui fonctionnaient encore. Hors construction il y avait des besoins dans l’industrie où à hauteur de 5 à 10 % de l’activité totale. Pendant cette période, nous avons décidé d’agir en apportant notre contribution à l’effort national, à l’effort sanitaire, avec la mise à disposition de matériels pour les hôpitaux et les autorités sanitaires. Nous avons ainsi prêté gracieusement des tables, des chaises, des groupes électrogènes, des systèmes de chauffages… ».
Cette diminution de l’activité du groupe, vous l’avez ressentie rapidement ?
O.C. :« Ah oui, cela a été vraiment violent. Il y a un indicateur qui est assez impressionnant : nous avons une grande partie de nos machines qui sont équipées de traceurs. Ils permettent de savoir si la machine fonctionne, ou non. Nous avons pu constater être passé d’une situation de 100 % des machines en fonctionnement sur les chantiers, à 5 %. C’est un élément factuel qui démontre que la baisse a été extrêmement brutale.».
Vous testez depuis le 2 avril de nouveaux modes de fonctionnement, quelles ont été les agences en test ?
O.C. : « Les quatre premières agences dans lesquelles nous avons mis en place ces nouveaux protocoles sont deux agences en région parisienne, Créteil et Herblay, une agence à Marcq-en-Barœul et une agence à Bordeaux. Nous avons sélectionné des agences suffisamment grandes disposant d’une surface de parking dans la mesure où nous avons mis en place un système de drive pour servir nos clients à l’extérieur».
Quels sont ces nouveaux process qui vous permettent de servir vos clients, qui rappelons-le, ne sont uniquement que des professionnels pour le moment ?
O.C. : « Nous avons complètement changé les différentes étapes de la location de matériels. Cela concerne l’enlèvement d’un matériel en agence, la livraison sur un chantier, l’intervention d’un technicien Kiloutou sur un site. Si je prends par exemple le cas de l’enlèvement ou retour d’un matériel en agence, tout est pensé pour éviter le contact physique entre nos équipes et nos clients. Cela veut dire qu’un client a réservé son matériel la veille par téléphone ou par Internet, il va ensuite se rendre dans l’agence. Là, il pourra garer son véhicule dans un box dédié. Le matériel nettoyé la veille, avec une solution détergente sera déposé près de son véhicule pour qu’il puisse lui-même le récupérer . Pour le client, c’est la garantie qu’il n’y a aucun contact physique. Les tests sur les premières agences nous ont plutôt permis de mesurer le temps d’équipement des agences, et de définir le temps nécessaire à la formation des équipes. L’élément que l’on a dû revoir, c’est la communication. Pour la réouverture des 4 premières agences, on avait prévenu les clients la veille de l’ouverture, ils étaient tellement heureux de trouver une solution de location qu’ils sont venus le jour de l’ouverture, donc au moment où nous étions en train de nous préparer. Dorénavant, toutes nos équipes viennent une journée avant l’ouverture de l’agence pour être capable de tout mettre en place, d’être formé, de s’exercer et le lendemain, nous informons les clients de la réouverture ».
Comment vos équipes ont-elles réagi à l’annonce de la réouverture des agences ?
O.C. : « Elles ont réagi positivement. J’ai eu l’occasion de participer à certaines ouvertures pour voir la mise en application des nouveaux process et le respect des consignes sanitaires. Ce qui est assez marquant chez les équipes, c’est qu’il y a à la fois une impatience, un plaisir à reprendre l’activité et à retrouver ses collègues, et une certaine appréhension de sortir de chez soi. L’appréhension a été levée le jour même, une fois qu’ils avaient passé une journée entière avec les nouveaux process. On sait que les meilleurs ambassadeurs de notre façon de fonctionner sont ceux qui ont expérimenté les process en premier. Ils étaient rassurés, confortés sur la façon de travailler et il y a aussi le plaisir d’être à nouveau en activité avec ses collègues ».
Vous rouvrez progressivement vos agences. Cette semaine 70 devraient rouvrir, vos clients reviennent-ils louer du matériel en conséquence ?
O.C. :« Les demandes de professionnels reviennent avec des différences entre les majors de la construction et les artisans ou les PME. Les majors commencent à se remettre au travail, et sont aussi à une étape de mise en place de protocoles de sécurité sanitaire à appliquer sur leurs chantiers,. Les artisans et PME sont les premiers revenus, certains d’entre eux n’ayant pas arrêté de travailler depuis la mise en place du confinement. ».
Emmanuel Macron a annoncé récemment qu’un déconfinement est possible le 11 mai, commencez-vous à en parler ?
O.C. :« Le déconfinement, nous commençons à en parler avec nos équipes. Nous avons réalisé plus que jamais que la communication était une chose qui était vitale auprès des collaborateurs. Comme l’ensemble des Français, nous avons 5000 équipiers qui vivent une chose totalement nouvelle. Cela peut créer beaucoup d’anxiété. Donc nous communiquons toutes les 48 heures. J’adresse un message à l’ensemble de la société à la même heure pour dire où nous en sommes, ce que nous faisons.. Maintenant ce que nous souhaitons, c’est de remettre le plus vite possible l’ensemble de nos équipiers au travail, nous le ferons dans le respect de ce qui est autorisé par les autorités, et avec ce qui garantira leur sécurité. Je pense que cette crise sanitaire créée pas mal d’anxiété, et pour nous il est hors de question d’avoir des gens qui retournent au travail en ayant la boule au ventre pour leur santé ou pour celle de leur proche en rentrant le soir à la maison ».
Une fois le déconfinement amorcé, prévoyez-vous une reprise de l’activité rapide ?
O.C. : « Malheureusement ce n’est pas le scénario sur lequel on est. Je pense que l’activité va reprendre progressivement,. Nous connaissons aujourd’hui la date du 11 mai pour le début du déconfinement mais sans en connaitre les règles. Le deuxième élément qui m’invite à penser aussi que la reprise sera progressive, et pas très rapide, c’est que les clients sont en train de mettre en place des protocoles pour faire travailler leurs équipes en sécurité,. Cela va avoir un impact sur la reprise car cela change les façons de travailler et donc la productivité. L’éventuel « effet de rattrapage » qu’on pourrait espérer, est difficile à appréhender car il est conditionné par la reprise de nos clients. Après les deux ou trois mois passés au ralenti, ils ne vont pas pouvoir mettre les bouchées double pour rattraper les retards et devront sûrement faire face à un manque de disponibilité de matériaux pour couvrir tous les besoins.
J.B
Photo de une ©Laurent Zabulon