Reconstruction de Mayotte : le projet de loi d’urgence présenté
Début janvier, une délégation ministérielle - incluant le Premier ministre François Bayrou et Valérie Létard, ministre du Logement - s’est rendue à Mayotte. L’occasion d’exposer le plan d'urgence « Mayotte Debout », afin de reconstruire l’archipel ultramarin, dévasté par le cyclone Chido le 14 décembre dernier. Ce cyclone a causé la mort d'au moins 39 personnes et fait plus de 5 600 blessés, selon le dernier bilan dressé par les autorités.
Parmi les priorités du gouvernement : le déploiement de bâches de protection à grande échelle, la réfection des toitures, et des prêts financiers pour les Mahorais…
Présenté le 7 janvier en Conseil des ministres, le projet de loi d’urgence cherche à donner aux acteurs publics les outils pour « rétablir les conditions de vie des habitants » tout « en préparant la reconstruction du petit archipel français de l'océan Indien », selon la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas.
« Le premier [sujet évoqué] est évidemment l'urgence absolue du moment, et c'est bien sûr la situation à Mayotte avec la présentation d'un projet de loi d'urgence », a-t-elle souligné, lors du compte-rendu du Conseil des ministres.
« Nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville », martèle le ministre des Outre-mer
Mesure clé du projet législatif : déroger aux règles d’urbanisme et des marchés publics « pendant deux ans », a appris l’AFP auprès de Matignon. L’idée derrière cette dérogation est de faciliter la reconstruction des écoles, infrastructures, ainsi que des logements. Le projet de loi d’urgence sera complété par une « loi programme », élaborée dans les trois mois à venir et envisageant des mesures à plus long terme.
En attendant, le dispositif législatif dévoilé en Conseil des ministres permet à l’État de « se substituer » au collectivités locales, quant à la gestion des écoles mahoraises, jusqu’au 31 décembre 2027.
Le projet de loi vise également la création d’un établissement public, inspiré par celui créé pour la reconstruction de Notre-Dame. La structure absorbera l'établissement public existant Efpam et devra nommer une personne à sa tête.
La question foncière est également importante, car des parcelles à Mayotte ne sont pas encore identifiées. Une disposition de la loi d’urgence autorisera à exproprier le propriétaire, avant que celui-ci puisse être identifié, contre une indemnisation a posteriori et selon les besoins.
Suspension du recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants, prolongation des droits assurance sociale et chômage, hausse de la prise en charge du chômage partiel, défiscalisation des dons à 75 %… Des mesures économiques seront parallèlement appliquées « jusqu'à fin mars 2025 ». D'après l’administration du territoire d’Outre-mer, peu de ménages de l'archipel sont assurés.
Manuel Valls, ministre des Outre-mer, chiffre à « plusieurs centaines de millions d'euros » le budget pour déployer ces dispositifs, regroupés en 22 articles.
« Ce projet de loi d'urgence porte des mesures incontournables pour envisager la reconstruction, il doit donc être adopté par le Parlement puis promulgué dans les plus brefs délais », a encouragé M. Valls, en martelant : « Nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville ».
L'immigration, autre axe évoqué dans la loi programme
En parallèle, Manuel Valls trouve le texte « sans doute incomplet » et soutient « d’autres mesures très urgentes ».
« Mayotte crève de deux maux majeurs : l’immigration irrégulière et l’habitat illégal. Si nous n’arrivons pas à résoudre ces deux dossiers, tout ce que nous sommes en train de faire, ça sera arroser du sable », affirme le ministre des Outre-mer. Le gouvernement propose dans la loi programme un volet centré sur la question de l’immigration.
M. Valls confirme le lancement d’un recensement de la population mahoraise, « avec l'Insee et les maires », le dernier remontant à 2017. D’après les estimations du ministre, le 101ème département français compterait « sans doute » 500 000 habitants au lieu des 320 000 officiels, en incluant les habitants venus de l'immigration irrégulière.
Le ministre évoque des mesures comme le potentiel « durcissement » du droit du sol, déjà restreint sur l’archipel. Rappelons qu’en 2024, Gérald Darmanin, à l’époque ministre de l’Intérieur, a projeté de supprimer le droit du sol à Mayotte. Ce dernier permet aux personnes arrivées à Mayotte d'obtenir la nationalité française quand leur enfant naît sur le territoire. Avortée par la dissolution de l’Assemblée nationale, cette révision constitutionnelle divise la classe politique, comme expliqué dans un article du Monde.
En attendant, la situation de crise et de précarité sur l’archipel demeure. Les sinistres provoqués par le cyclone Chido font rejaillir, parmi les Mahorais, ce sentiment d'être laissés pour compte par le gouvernement. Sentiment que les actions pour résoudre la crise de l'eau en 2023, comme des initiatives pour adapter les chantiers à son climat, ne suffiront peut-être pas à gommer.
Virginie Kroun
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