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Vieillir chez soi : une dynamique qui ne bouge « pas assez vite »

Publié le 04 février 2022

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Ce vendredi 4 février, des représentants de la FNAS, de la Fédération des Ascenseurs mais aussi de Saint-Gobain échangeaient sur le maintien à domicile des séniors, à l’occasion d'un Rendez-Vous du Mondial du Bâtiment. L’occasion pour Batiweb d’interagir avec les intervenants et mieux comprendre la voie que doivent emprunter les acteurs de la santé et du bâtiment, mais pas seulement. Éclairage.
Vieillir chez soi : une dynamique qui ne bouge « pas assez vite » - Batiweb

La volonté de vieillir à domicile doit plus que jamais s’affirmer, entre le scandale qui entoure les établissements ORPEA ou bien la finalisation du dispositif MaPrimeAdapt’. 

La déclinaison « senior » de MaPrimeRénov’ devait dévoiler ses contours en janvier. Délai reporté, à en croire les annonces par la ministre chargée du Logement Emmanuelle Wargon, lors des vœux 2021 de l’Anah. « A priori, on en est à la signature dans les ministères en ce moment et à une présentation à Jean Castex courant février », estime Jean-Philippe Arnoux, directeur Silver Économie au sein du groupe Saint-Gobain.

L’adaptation du logement au grand âge, bouge certes, mais « pas assez vite », selon l’intéressé, qui s’exprimait ce matin sur la question, durant un Rendez-vous du Mondial du Bâtiment de Batiradio, ce vendredi 4 février, aux côtés d’autres spécialistes du « bien veillir chez soi ». Ensemble, ils décryptaient les freins mais aussi le chemin à emprunter pour faire avancer cet enjeu tentaculaire. 

 

Prendre exemple sur les voisins européens

 

Si la transition énergétique et écologique rythme l’agenda du bâtiment, la prise en compte de la transition démographique, elle, mériterait un coup d’accélérateur. Surtout quand on compte plus de 5 millions de 75  ans et plus en France, touchés par des problèmes d’autonomie, qui concentrent « des sommes colossales du côté du Ministère de la Santé, de pas loin de 500 000 hospitalisations, 12 000 morts, et 2 milliards de coûts annuels pour la Sécurité sociale », abonde Jean-Philippe Arnoux, directeur Silver Économie au sein du groupe Saint-Gobain.

Or pour l’heure, en France, le bâtiment ne semble pas encore paré pour s’adapter au grand âge, faisant du pays un retardataire par rapport à ses voisins européens. « 50 % des Français qui vivent en logement collectif n’ont pas accès à l’ascenseur. On est à 9 ascenseurs pour 1000 habitants en France, 23 pour 1000 en Espagne. On installe 15 000 montes-escaliers en France, mais en Grande-Bretagne, c’est plus de 50 000 », compare Alain Meslier, délégué général de la Fédération des Ascenseurs - qui consacrait ses derniers trophées aux mobilités verticales.

Autre différence : le budget alloué à l’adaptation du logement aux séniors, qui en France et toutes aides confondues, s’élève à 154 millions d’euros. « En Angleterre, on est déjà à 500 millions », oppose Jean-Philippe Arnoux. Des financements donc « très éloignés des besoins. Et même si on en vient à 500 millions, ce sera vraiment un minimum pour proposer des solutions adéquates », pense Michel Cattet, président de la commission sanitaire de la FNAS.

 

Moins normer, plus s’adapter

 

Bien que la loi ELAN ait beaucoup œuvré sur la question de l'accessibilité dans le logement, notamment du point vue des douches zéro ressaut, le chemin reste long. 

Au regard des experts, il convient également de distinguer handicap et vieillesse. Deux mots cousins, mais dont l’approche est différente, en particulier sur le plan « volumique », pour reprendre les mots d’Alain Meslier. Déjà par la population, « entre les 600 000 personnes en chaise [roulante] et les 6 millions de séniors », mais aussi sur la vision des surfaces. « Lorsqu’on parle du handicap, on a tout de suite, par réflexe, pour ce qui est de notre domaine [les ascenseurs, NDLR], des dimensions particulières et des dimensions précises. Mais pour l’adaptation du logement, il faut être beaucoup plus fin, beaucoup plus intelligent », nous soutient-il.

Et Jean-Philippe Arnoux de nous exposer : « Aujourd’hui, la norme handicap impose que les toilettes soient entre les 45 et 48cm. Pourquoi ? Parce que c’a été conçu pour faire le transfert du fauteuil roulant à la cuvette de toilettes. Pour une personne âgée, ça va dépendre de sa taille. Et donc la hauteur idéale, ça va être la distance du genou au talon ».

Moduler le logement se fait donc selon la morphologie du sénior, notion la plupart du temps abordée par les ergothérapeutes. L’avis de ces professionnels est souvent requis pour les demandes de financement de travaux d’adaptation par l’Anah ou la Caisse nationale des retraites. 
 

Mieux identifier les professionnels qualifiés

 

Problème : actuellement, seulement 15 000 ergothérapeutes exercent en France et peu parmi eux sont formés aux contraintes du bâtiment. Et pour cause, à peine deux matinées de la formation de ces professionnels de santé sont consacrées à ces questions, selon Jean-Philippe Arnoux. 

« Ce qui fait qu’il y a des frictions parfois entre l’ergothérapeute, qui va demander l’idéal pour l’usager, et la rénovation du bâtiment, avec les tuyaux qui gênent et ainsi de suite », nous partage le directeur Silver Économie du groupe Saint-Gobain.

Lui comme Alain Meslier, s’accordent à dire qu’un compromis doit s’établir sur le maintien à domicile des seniors, alors qu’il est abordé à 95 % par le ministère de la Santé et des Solidarités, principal financeur des dégâts associés à la perte d’autonomie. Pourtant, le sujet implique tant d’autres secteurs, non seulement celui du bâtiment mais aussi de la cohésion des territoires et des industries. Des filières qui doivent se coordonner, à travers la création d’une délégation interministérielle.  

C’est du moins ce qu’encouragent l’ensemble des intervenants, mais aussi le rapport « Nous vieillirons ensemble », poussant l’adaptation de l’habitat au vieillissement en France. Une telle transversalité devrait permettre de renforcer les échanges et nourrir le compromis. 

Mieux encore, une telle fusion d’expertises contribuerait à affirmer l’importance de transition démographique, au même titre que celle écologique. Peut-être même qu’un équivalent de la mention RGE - pour la rénovation énergétique – pourrait voir le jour et établir une liste nationale des artisans aptes aux travaux pour logements seniors. 

Car si des labels comme HS2 et HSS tendent déjà à certifier les compétences des professionnels installateurs en la matière, ceux-ci ne sont pas forcément connus, du grand-public, parfois même de la profession.


Exploiter les innovations existantes

 

Une campagne est donc de rigueur du côté des fédérations professionnelles du bâtiment.  La FNAS mène par exemple des partenariats avec des fédérations d’installateurs comme la Capeb, pour informer ces derniers sur les dispositifs d’aides dédiés au maintien des séniors à domicile. 

Cela va même jusqu’à la création, en collaboration avec les distributeurs et les fabricants dans le sanitaire, de catalogues, afin que des vendeurs, entre autres, valorisent « l’offre de produits qui sont particulièrement adaptés au niveau technique et qualitatif, mais aussi évolutives, confortables sans perte pour autant l’aspect design », confie Michel Cattet. 

Selon le président de la commission sanitaire de la FNAS, ces supports montrent que les solutions de salle de bain pour séniors peuvent « être attractives, pour ne pas rebuter les populations vieillissantes (…), parce que c’est toujours délicat effectivement de se projeter sur des appareils qui font référence à la vieillesse ».

D’autant que, comme on l’a constaté, les solutions conçues pour le grand-âge ne se limitent pas à la salle de bain. On les repère également dans la domotique et tout ce qui a trait à la connectivité du logement (thermostat, chemins lumineux...) 

Et parfois, il peut s’agir d’une solution déjà existante, toute simple, comme une barre pour les douches ou bien d'une plaque de plâtre comme le modèle Habito de Saint-Gobain, « extrêmement résistante (…) », nous décrit Jean-Philippe Arnoux.

Il poursuit : « C’est vrai qu’on a créé cette plaque pour les charges lourdes (meubles de cuisine, bibliothèques…) Mais quand on regarde les caractéristiques du produit, elles sont complètement adaptées à la rénovation de salles de bain, car dès que je vais fixer une barre ou un siège de douche, je n’aurai pas besoin de renforcer le mur ».

Des innovations qu’il faut, selon le directeur Silver Économie du groupe Saint-Gobain, « remettre sur le tapis », afin même d’anticiper leur installation le plus tôt chez les seniors. « Dans les pays nordiques et anglo-saxons, on ne se pose pas la question. Dès qu’ils sont à la retraite, on les prépare déjà à ça. Nous en France, comme on a ce réflexe de Sécurité Sociale – où dès qu’il se passe un pépin, il y aura quelqu’un pour prendre en charge -, et bien on attend », nous affirme-t-il

Pour regarder l'intégralité de l'émission du Rendez-vous du Mondial du bâtiment sur le maintien des séniors à domicile, regardez la vidéo ci-dessous ou rendez-vous sur le site de Batiradio.

 

Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock 
 

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