Menhirland ne verra pas le jour
La toute puissante administration Ceux-ci eurent tôt fait à l’époque d’élaborer un rapport annonçant que, faute d’être encadré par une escouade de vigiles et protégé par un accès payant le rendant inaccessible à ces destructeurs que sont les familles modestes, le site de Carnac était voué à une mort aussi rapide que certaine. Ce rapport alarmiste ouvrait la voie à des mesures. Un beau projet fut donc élaboré. Celui-ci projetait la création d’un musée flambant neuf, de parkings discrets mais conséquents et d’un centre commercial dûment équipé de toutes les enseignes spécialisées c’est-à-dire cafétéria, fast food et autres boutiques diverses bourrées de colifichets. Sous couvert d’en limiter l’accès pour en préserver l’état, la visite des menhirs deviendrait alors payante et sélective. Par contre, l’accès resterait libre au hall d’accueil (1600 m2) et bien sûr aux commerces. Le commerce, ce rouage essentiel du tourisme culturel était sauvé… Les fonctionnaires parisiens et les promoteurs intéressés par le projet trouvèrent malheureusement sur leur chemin des opposants particulièrement décidés. La lutte, souvent violente, devait ainsi durer plusieurs années. Une période pendant laquelle d’ailleurs, les représentants de l’Etat n’hésitèrent pas à passer en force, y compris en organisant l’expulsion manu militari des riverains et des occupants placés sur le tracé des futures autoroutes devant desservir le site. Locmariaquer, une tranche du site aménagée par l’architecte des monuments historiques, témoigne d’ailleurs unanimement aujourd’hui du fabuleux ratage dont sont capables les services de l’Etat dans un tel contexte. Des combats sur le terrain aux joutes dans les prétoires, le dossier a finalement atterri récemment sur le bureau de l’actuel ministre de la Culture, Jean Jacques Aillagon. Sans doute plus sage et moins intéressé que ses prédécesseurs, celui-ci à de facto suspendu le projet et demandé l’ouverture d’une nouvelle consultation en vue d’un projet de protection ne prévoyant que des aménagements légers, intégrés à la culture locale. Une décision qui intervient alors que le projet allait être de toute façon annulé par la cour d’appel de Nantes. Les mégalithes de Carnac voient donc pour la première fois depuis de longues années, le soleil se coucher sans risque de voir à l’aube les bulldozers creuser les fondations d’un super Menhirland.