Le destin compliqué de la maison de l’Iran
Le piston diplomatique
On aurait pu en rester là et repartir dans la spirale des projets quand une visite annoncée du Shah d’Iran relance brutalement l’affaire. Le monarque entend bien poser lors de son passage, la première pierre de la maison de ses étudiants. Le Quai d’Orsay, affolé, transmet illico sa panique aux services d’architecture concernés. Diplomatie oblige, le temps d’un claquement de tampon officiel, le permis est accordé. Les travaux commencent, mais l’administration, rancunière et revancharde, ne baisse pas les bras pour autant. Ses responsables attendent, ils savent qu’à un moment ou un autre, de funestes grains de sable viendront enrayer la construction provocante et pistonnée. Cela ne tarde pas. Ainsi, une commission de sécurité oblige à modifier certains aspects du bâtiment, notamment l’ascenseur extérieur qui est réintégré au centre du pavillon. Pour augmenter la résistance au feu, les pompiers exigent que les architectes ajoutent du béton dans les planchers, alourdissant d’autant la structure. Ce qui sera fait. Bon an, mal an, l’immeuble voit le jour. Ses proportions ne sont plus celles prévues par les plans et l’esprit des architectes disparaît. Mais qu’importe, il est inauguré en 1968. Les services urbains auront eu, à leur façon, le dernier mot. Avec le temps, le pavillon de l’Iran est devenu un jeu de cubes sans grande identité, invisible aux yeux des passants. Les normes qui lui ont été imposées en font aujourd’hui un gouffre financier en matière de chauffage. Les salles sont vastes mais inadaptées à l’usage initial. En revanche, son emplacement en bordure du périphérique en fait l’un des meilleurs supports publicitaires de l’autoroute urbaine. Un atout qui se paie assez cher et qui permet d’assurer pour partie son entretien. Rebaptisée Fondation Avicenne en 1972, la maison de l’Iran accueille aujourd’hui des chercheurs et des postdoctoraux de toutes nationalités. Les successeurs du Shah d’Iran, peu portés sur l’architecture post-moderne des années soixante, ne revendiquent plus depuis longtemps leur paternité, sur une construction probablement devenue pour eux, bien trop occidentale…