Rapport sur la politique de la Ville : des préconisations promises « à un échec profond »
Pour le ministre de la Cohésion des territoires, directement concerné par cette publication, Jean-Louis Borloo dresse un « constat abrupt » résultant « de la gestion de tous depuis des décennies ». « Nous avons besoin de ramener des équilibres dans la République », estime Jacques Mézard.
Selon lui, « il y a un besoin de faciliter, de simplifier » les dispositifs. « Nous avons beaucoup de territoires qui vont bien, mais d’autres qui sont en fragilité (…) il y a quelque chose à ne surtout pas faire : opposer urbain et rural, grandes métropoles et villes moyennes ».
Des « préconisations intelligentes, solides, efficaces »…
Les avis sont en revanche nettement plus tranchés du côté des maires. Celle de Paris, Anne Hidalgo, a ainsi fait part de son optimisme quant à ce « véritable plan de bataille républicain ». « Ce que demandent nos quartiers, c’est que la République revienne, mais peut-être avec une méthode un peu différente », affirme-t-elle.« Le rapport Borloo n’est pas alarmiste, il est réaliste », ajoute Guillaume Delbar, à Roubaix (Nord). Le maire de Grigny (Essonne) Philippe Rio souligne également les « préconisations intelligentes, solides, efficaces » du rapport. L’ancien élu de Sevran (Seine-Saint-Denis) Stéphane Gatignon salue lui aussi ce document « assez complet (…) qui aborde tous les aspects ».
« Surtout il appelle à se mobiliser, ce n’est pas que de l’argent de l’État qu’il attend », note-t-il. « Aujourd’hui il faut arrêter d’empiler la pauvreté sur la pauvreté, les plus fragiles avec les plus fragiles, il faut ouvrir et il faut que l’État nous permette de ne pas faire que du logement social de base. Mixer les populations, ça c’est essentiel, péter le ghetto. Ca, ce n’est pas seulement de l’argent. »
…Mais vouées à l’échec ?
Tous ne sont pourtant pas convaincus par les conseils de Jean-Louis Borloo. Sans vouloir « gâcher l’ambiance d’optimisme », Marc Vuillemot, maire de La Sayne-sur-Mer (Var), dénonce la suppression des contrats aidés, qui étaient pourtant « le plus grand plan social que la nation ait jamais connu » à ses yeux. « Il va falloir ramer pour refaire République », indique-t-il.« Ce rapport porte la marque de l’ingéniosité et de l’esprit de Jean-Louis Borloo, mais il est voué, comme tout ce qui a été entrepris précédemment, à un échec profond », renchérit Malek Boutih, ancien élu PS, interrogé par L’Express. « Parce qu’il est basé sur une erreur d’analyse fondamentale, qui consisté à penser que la banlieue dysfonctionne sur l’encadrement, le social, l’économie, alors que dans ces territoires, c’est la République qui est en train de s’effondrer. »
« La banlieue est vue dans ce texte comme une start-up potentielle pour la France. Il s’agirait plutôt de renouer avec une tradition très ancrée : celle d’une République garante du traitement égalitaire de tous les citoyens, pas seulement les plus géniaux ou les plus excentriques. Nous devons normaliser ces quartiers », estime-t-il.
Du côté des organisations professionnelles, enfin, la Fédération française du bâtiment a salué une recommandation particulière du rapport, à savoir que « les grues doivent revenir dans les quartiers dès la fin de l’année ». « Ce constat désormais établi ne doit pas rester lettre morte. Les professionnels du bâtiment, qui avaient répondu présents au PNRU [Programme national pour la rénovation urbain, ndlr], sont prêts et continueront à être mobilisées », assure son président Jacques Chanut.
F.C (avec AFP)
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