Quand une ville se chauffe aux copeaux de bois
Dans cette petite ville (6000 habitants) de la province de Haute-Autriche, les grands édifices publics et les usines sont chauffés par de l'eau chaude produite en brûlant des copeaux de bois.
L'usine de combustion de copeaux a ouvert ses portes en 2004, sur le flanc d'une colline à la sortie de la ville. Les agriculteurs propriétaires y ont investi 25 % des 3 millions d'euros (4,5 millions $ CAD) nécessaires. Ils ont reçu des subventions à la hauteur de 35% du coût de construction. La différence a été financée par une banque. Les agriculteurs (copropriétaires de l'usine ou pas) récoltent le bois sur leurs propriétés et le vendent en copeaux, à un prix variant de 30 euros à 50 euros (45$ à 75$), selon la teneur en humidité.
Les copeaux sont brûlés dans un immense fourneau dont la température atteint 939 degrés C. Cette chaleur sert à chauffer de l'eau, qui quitte l'usine à 98,4° C, pour y revenir à 65° C. Entre-temps, elle aura circulé dans un long réseau de tuyaux reliant l'usine aux calorifères de l'hôtel de ville, de quelques immeubles d'habitation et de l'usine de Pöttinger, le plus important fabricant d'équipements agricoles en Autriche.
On estime la capacité du fourneau à 280 kW/h, pour une production d'énergie annuelle de 2 240 000 kW.
L'engouement pour la bioénergie a poussé les agriculteurs à se lancer également dans la production d'électricité. Six d'entre eux se sont réunis pour construire un bioréacteur au gaz méthane, sous le nom Ökoenergiepark Grieskirchen. Directement derrière l'usine de combustion de copeaux se trouvent le réacteur, construit en 2006, et les silos-couloirs remplis d'ensilage de maïs. Vous avez bien lu: ici, c'est avec du maïs et non avec du lisier, que l'on produit du méthane! Le digesteur peut aussi accepter l'ensilage d'herbe, les copeaux de bois et l'huile de cuisson des restaurants. Le bioréacteur, les silos et la fosse pour les eaux résiduelles ont coûté 1,5 million d'euros (2,25 millions $ CAD) à construire. Encore ici, on a bénéficié de subventions de l'Union européenne et des gouvernements de l'Autriche et de la province de Haute-Autriche. Un investisseur privé s'est ajouté au groupe.
Selon Hans Wildfellner, qui s'occupe aussi du bioréacteur, le plan d'affaires original prévoyait que les coûts de construction seraient amortis en huit ans. Par contre, avec les prix actuels du maïs, on parle plutôt d'un horizon de 12 ans. Les producteurs vendent le maïs ensilage à environ 35 euros (52$) la tonne. Il en faut environ 5000 tonnes par année, ce qui représente 120 hectares en culture, selon les chiffres qu'avance Hans Wildfellner.
Douze tonnes d'ensilage frais sont ajoutées tous les jours aux quelque 1000 m³ en fermentation, à raison de 500 kg par heure. Le maïs fermente pendant 35 jours, avant de se retrouver au fond du digesteur sous forme de compost, qui sera vendu pour une bouchée de pain aux agriculteurs, qui en épandent 20 m³ par hectare. Le méthane produit alimente une génératrice General Electric de 250 kW/h et l'électricité est acheminée sur le réseau public. La chaleur générée par la combustion est récupérée pour préchauffer l'eau de l'usine de combustion de copeaux.
Maintenant que la production d'énergie à partir de la biomasse est bien implantée dans les milieux agricoles européens, voilà que les nouvelles subventions se font de plus en plus rares. Le débat est enclenché: les campagnes doivent-elles nourrir le monde ou livrer de l'énergie?