Plan européen contre le réchauffement : l'UE engage le grand marchandage
"Le paquet tel qu'il est ne nous convient pas. Il est insupportable. Il a besoin de changements profonds" : la ministre italienne de l'Environnement, Stefania Prestigiacomo, a donné la tonalité à son arrivée lundi à Luxembourg à une réunion avec ses homologues de l'UE.
"Il y a une volonté très forte des Etats d'intensifier le travail pour arriver à un accord avant la fin de l'année, avant Poznan", a-t-il assuré. "Ce n'est pas la peine d'aller à Poznan si l'Europe ne fait pas la preuve de sa capacité à avancer". Les représentants des 190 pays de la conférence de l'ONU sur le climat se réunissent du 1er au 12 décembre à Poznan (Pologne), juste avant le sommet européen de Bruxelles des 11 et 12 décembre où les pays membres espèrent arriver à un accord à l'unanimité sur ce dossier.
Or, le grand marchandage européen inquiète. Le haut responsable de la lutte contre le changement climatique aux Nations unies, Yvo De Boer, craint que les Européens ne renoncent à donner l'exemple sur ce dossier, après les tensions constatées entre les 27 pays membres au dernier sommet. L'UE s'est fixée comme objectifs pour 2020 de réduire de 20% ses émissions de gaz à effet de serre, de parvenir à 20% d'énergies renouvelables dans la consommation et à 20% d'économies d'énergie - objectifs réaffirmés lundi, selon M. Borloo.
Pour les réaliser, l'industrie lourde de l'UE doit réduire de 21% ses émissions de CO2 par rapport à leurs niveaux de 2005 et chaque pays doit remplir des objectifs nationaux visant à réduire de 10% les émissions des transports, de l'agriculture, du chauffage pour les bâtiments et des déchets. A cet égard, de sérieuses difficultés vont devoir être surmontées, et l'Italie n'est pas le pays le plus problématique. "L'Allemagne a la position la plus dure", selon une source européenne.
Berlin refuse en effet la mesure la plus controversée du plan d'action : la mise aux enchères de chaque tonne de CO2 émise par l'industrie lourde à compter du 1er janvier 2013. "Nous voulons que l'industrie allemande directement ou indirectement exposée à la concurrence internationale soit protégée aussi longtemps qu'il n'y aura pas d'accord international" imposant les mêmes contraintes aux entreprises des pays signataires, a expliqué le ministre allemand Sigmar Gabriel.
Il a réitéré lundi la demande de gratuité totale pour les émissions de C02 des secteurs de l'acier, de la chimie de base, du ciment et de la chaux - quatre secteurs à l'origine de 67% des émissions allemandes de CO2. L'Allemagne, appuyée par l'Autriche, exige en outre que les autres secteurs industriels "énergivores" - papier, verre, béton - ne soient soumis au système des enchères que pour 20% de leurs émissions au maximum. Berlin accepte en revanche l'application intégrale du principe du pollueur-payeur dès 2013 pour les producteurs d'électricité, mais il pose problème à huit pays.
La Pologne, la Republique Tchèque, l'Estonie, la Lituanie, Chypre, Malte, l'Italie et dans une certaine mesure la Hongrie "demandent des dérogations" pour leurs centrales, a-t-on indiqué. La Commission européenne est prête "à accéder aux demandes des Etats membres, mais sans porter un coup fatal aux éléments du système qui le rendent efficace, ni aux objectifs environnementaux. C'est la ligne rouge", a averti le commissaire européen à l'Environnement, Stavros Dimas.