La fin d'une époque ? ou le double effet de l'effondrement de l'immobilier US
Si la situation n'a rien de comparable avec l'effondrement du marché américain ni avec celui de l'Espagne, elle est cependant préoccupante compte tenu de la contribution du BTP à la croissance et aux créations d'emplois en France.
D'après l'étude, le prêt immobilier aux particuliers est "un marché qui ralentit assez nettement", ce qui devrait provoquer en 2008 une baisse des transactions immobilières de l'ordre de 10 à 15% par rapport aux prévisions initiales. Selon lui, sur 100 dossiers finançables en 2007, 12 ne le sont plus en 2008 à cause de la hausse des taux d'intérêt.
De plus, les mises en chantier de logements ont baissé de 7,1% sur les trois mois à fin janvier, à 94.588 unités, tout en s'inscrivant en hausse de 0,7% sur un an à 433.050, selon des chiffres publiés mardi par le ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables. Le nombre de permis de construire, qui donne une idée de la tendance à venir, a quant à lui chuté respectivement de 19,1% sur trois mois et de 5,3% sur un an.
Le ministère a cependant averti que ces chiffres seraient probablement révisés à la hausse compte tenu d'un changement de comptabilisation intervenu depuis l'entrée en vigueur, le 1er octobre dernier, de la réforme du droit des sols. En 2007, 435.000 logements avaient été mis en chantier en France. La dernière enquête de conjoncture de l'Insee dans le bâtiment, parue lundi, montre que les entrepreneurs anticipent une activité toujours vigoureuse dans les prochains mois mais qu'ils s'attendent à un ralentissement dans le gros oeuvre, alors que l'activité devrait rester dynamique dans le second oeuvre, qui comprend aussi les travaux de rénovation de logements anciens et a été "boosté" par des crédits d'impôts.
Si l'indicateur synthétique de l'Insee progresse à 113 en février contre 111 en janvier, le solde d'opinion pour les perspectives des entreprises chute de 10 à 4 pour le gros oeuvre alors qu'il progresse de 8 à 23 dans le second oeuvre. "Pour le gros oeuvre, qui précède l'ensemble des autres corps de métier, la chute est vertigineuse", constate Alexandre Mirlicourtois, directeur des études économiques au cabinet de recherche Xerfi. Or, rappelle-t-il, "avec plus de 64.000 emplois créés en 2007, la construction est l'un des pourvoyeurs d'emplois les plus actifs en France depuis plusieurs années".
La tendance est également inquiétante dans l'immobilier, après une solide année 2007. Selon le ministère de l'Ecologie, 127.400 logements neufs ont été vendus en France l'année dernière, un chiffre sans précédent depuis 1985 mais en hausse de seulement 0,9% par rapport à 2006 - après des croissances de 4% en 2006, 8,3% en 2005, 8,7% en 2004 et 20,80% en 2003.
Sur le seul quatrième trimestre, les ventes de logements ont chuté de 12,4% par rapport aux trois derniers mois de 2006, à 28.600 unités, et le nombre de logements mis en vente a baissé de 12,5% à 35.700. Mécaniquement, le stock de logements neufs disponibles a augmenté pour atteindre au 30 décembre 2007 le chiffre record de 102.600 logements. Le délai moyen d'écoulement des stocks, au rythme actuel des ventes, était de 11 mois en fin d'année, contre huit mois il y un an pour les maisons individuelles et sept mois pour les logements collectifs.
La tendance est la même du côté des prix qui sont repartis à la baisse pour les appartements neufs au quatrième trimestre (3.316 euros le m2 en moyenne contre 3.367 au troisième trimestre). Pour les maisons neuves, le prix moyen a augmenté légèrement à 241.600 euros contre 240.900, mais en affichant une baisse de 2,9% par rapport au quatrième trimestre 2006. "La progression des prix s'essouffle", observe Alexandre Mirlicourtois en notant que certains promoteurs, pour soutenir les prix, n'hésitent pas à faire des cadeaux comme prendre en charge les frais de notaire voire, dans un cas dont il a eu connaissance, offrir une voiture.
"Des pratiques qui ne sont pas sans rappeler celles qui régnaient au début des années 1990 quand l'immobilier s'était enfoncé dans la crise", relève l'économiste de Xerfi. Lors d'une récente conférence, le courtier en ligne Empruntis et le cabinet d'études Bipe ont dit prévoir une baisse de 3% ou davantage des prix immobiliers en France cette année après un bond cumulé de quelque 130% entre 1997 et 2006.
Les hausses de taux d'intérêt intervenues en 2007 et le resserrement des conditions de crédit expliquent cette évolution, mais les experts y voient une saine correction sans rapport avec l'effondrement du marché américain. De fait, la clientèle non solvable n'est pas un segment du marché en France alors qu'elle était le coeur de cible des prêts hypothécaires à haut risque aux Etats-Unis, d'où est partie la crise.