L'immigration au centre des élections législatives en Espagne
A les écouter, tandis qu'ils patientent des heures sous un soleil hivernal, leurs préoccupations sont exactement celles des Espagnols qu'inquiètent le retournement de la conjoncture économique, l'inflation et la hausse du chômage.
Pourtant, le parti de Mariano Rajoy a fait de l'immigration l'un des principaux thèmes de la campagne électorale qui s'achève. L'immigration, pour le PP, est "un problème", et le parti propose une série de mesures contraignantes à l'égard des communautés immigrées, dont la restriction du port du voile islamique. Si les médias font leurs gros titres sur les Africains qui tentent désespérément de rejoindre l'Eldorado européen en s'embarquant sur des bateaux de fortune à destination des îles Canaries, ils ne forment en fait qu'une petite minorité des immigrés vivant en Espagne.
Le Maroc, l'Amérique latine et l'Europe de l'Est forment en revanche les trois principaux bassins d'émigration à destination de l'Espagne, dont le boom immobilier du début des années 2000 qui décline aujourd'hui explique en grande partie ces phénomènes migratoires.
En 2006, le nombre de résidents étrangers en Espagne a dépassé pour la première fois les quatre millions, soit 9% de la population totale du pays. Comparée au reste de l'Europe, l'Espagne est le pays où la population immigrée a crû le plus rapidement ces dernières années. Les immigrés de la "première génération" sont arrivés au moment où le pays bénéficiait d'une forte croissance économique. Aujourd'hui, l'activité dans le BTP s'est ralentie, leurs emplois, souvent en intérim ou temporaires, sont plus vulnérables.
Le Parti populaire espère qu'en adoptant une position sévère sur ce thème, il s'attirera les grâces des électeurs des classes ouvrières qui redoutent eux aussi les effets du ralentissement économique sur leur emploi. La position très dure de la droite espagnole sur l'immigration a placé le président du gouvernement socialiste Jose Luis Rodriguez Zapatero sur la défensive.
Le vainqueur surprise des législatives de mars 2004 a régularisé l'année suivante près de 700.000 sans-papiers pour tenter de juguler le travail au noir et d'améliorer les rentrées fiscales d'un Etat qui souffrait de la faiblesse démographique du pays. Aujourd'hui, Zapatero, tout en jugeant xénophobes les propositions du PP, tente de se défaire de l'étiquette de laxiste que la droite espagnole s'efforce de lui coller sur le revers de la veste.
"La régularisation de ces travailleurs a très certainement constitué une décision très positive, mais elle a nourri une perception négative de l'immigration aux yeux de l'opinion publique", avance Ricard Zapata-Barrero, qui enseigne les sciences politiques à l'Université Pompeu Fabra de Barcelone.
Dans les sondages, les Espagnols interrogés classent régulièrement l'immigration dans le trio de tête de leurs préoccupations, avec le chômage et le terrorisme. "Nous avons besoin de l'immigration, mais dans les limites du raisonnable", dit Pilar Torio, une mère de famille de 29 ans enceinte de son quatrième enfant, rencontrée dans un square madrilène, à proximité d'un quartier de baraquements. "J'ai voulu mettre mes filles dans une crèche publique ici, mais je n'ai pas pu parce que toutes les places étaient prises par des immigrés, dont beaucoup de clandestins", poursuit-elle.
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Luz Adriana Ochoa Calderon est Colombienne. Elle a 28 ans, travaille dans un supermarché. Si elle pouvait voter, confie-t-elle, ce serait pour les socialistes. Parce qu'elle juge que le gouvernement Zapatero a beaucoup fait pour les droits des femmes. Parce qu'elle attend aussi le droit de vote pour les étrangers. "Les immigrés méritent de voter. Nous méritons les mêmes droits par notre seule présence ici. Nous payons des impôts, pourquoi alors n'aurions-nous pas les mêmes droits ?"