Il vaut mieux parfois dire que l'on habite chez une copine !
Les plaques des noms de rues parisiennes sont, au même titre que la Tour Eiffel, un des symboles de la capitale. Leur modèle, identique depuis 1847, est unique au monde et un des plus anciens encore en usage. Mais derrière ce symbole, il existe une multitude de modèles différents: certains appartiennent déjà à l'histoire et n'ont plus d'existence officielle, d'autres ne sont que des variantes du modèle officiel et d'autres encore, caprices d'architecte pour la plupart, sont purement décoratifs.

Les inscriptions de nom de rue gravées dans la pierre sont encore nombreuses à Paris. Leur exécution est postérieure à 1729 et antérieure à 1806. En 1729 en effet, le lieutenant général de police de Paris, par une ordonnance en date du 30 juillet, impose aux propriétaires des maisons de faire mettre au début et à la fin des rues" des tables de pierre de liaise d'un pouce et demi d'épaisseur et de grandeur suffisante pour y faire graver les noms des rues en lettres de la hauteur de deux pouces et demi et d'observer une rainure formant un cadre au pourtour de la dite pierre à trois pouce de l'arrête qui sera marquée en noir, ainsi que les lettres".
Ces tables de pierre seront remplacées en 1806, par décret de Napoléon Ier," par de nouvelles inscriptions exécutées à l'huile".L'inscription systématique des noms de rue remonte à 1728, lorsque le lieutenant de police de Paris prescrit l'affichage des noms de rue sur des feuilles de fer blanc et en gros caractères noirs. En raison de sa fragilité, ce système est remplacé par celui des tables de pierre l'année suivante. Avant 1728, aucune rue n'était signalée, sauf de très rares cas, à la suite d'initiative privée et isolée, comme par exemple celle des dominicains en 1643 qui signalèrent la rue où se trouvait leur abbaye par une plaque de marbre comportant l'inscription "Rue Saint Dominique, jadis des Vaches"..
L'inscription des noms de rue prescrite à partir de 1729 était à la charge du propriétaire de la maison se trouvant à l'extrémité d'une rue. Certains firent appel à des artisans talentueux qui nous ont laissé des tables de belle facture. D'autres en revanche préfèrent faire des économies et confièrent le travail à des artisans peu professionnels.
La Révolution
Le 14 août 1792, la Convention vota la destruction des monuments susceptibles de rappeler la féodalité.
Le 4 juillet 1793, elle prescrivit d'effacer les attributs de la royauté sur les monuments publics. Un décret du 27 novembre 1793 compléta cette réglementation qui s'enrichit en 1794 de dispositions concernant la suppression du mot "saint" des noms des rues.
En exécution de ces textes, la commission des Travaux publics de la Commune de Paris ordonna, le 21 décembre 1794, l'effacement de ce mot. Les travaux s'échelonnèrent du 28 décembre 1794 à la mi-juillet 1795. On en voit encore les traces aujourd'hui.
Les appellations des voies
Jusqu'au XVIIème siècle, la question de l'appellation des voies ne s'est pas posée, la ville ne comportant pratiquement que des rues, des ruelles et des culs-de-sac et quelques places. Avec les travaux de réaménagement urbain entrepris par Louis XIV, naissent de nouvelles voies, qui remplacent les murailles de la ville ou qui prolongent d'anciennes voies. C'est à cette époque que naissent les rues neuves, comme par exemple, la rue Neuve des Petits-Champs, ou encore les rues des fossés, comme la rue des Fossés-Saint-Jacques. Les fossés avaient été creusés en avant des enceintes et fortifications pour les renforcer. La disparition des fortifications en 1670 amena la création de rues des fossés correspondant à des voies établies à leur emplacement.
Le modèle actuel
Le 23 mai 1806 Napoléon Ier signe un décret prévoyant que "les nouvelles inscriptions seront exécutées à l'huile et, pour la première fois, à la charge de la commune de Paris". Ces nouvelles inscriptions devaient remplacer les tables de pierres du XVIIIème siècle, mais au bout de quelques dizaines d'années, elles devinrent illisibles et il fallut les refaire en 1847 en même temps qu'était effectué le renouvellement général du numérotage des immeubles. Les nouvelles plaques sont des plaques de porcelaine cuite au grand feu. Un décret de 1938 prévoit leurs spécifications techniques :
"Les plaques destinées à recevoir l'inscription du nom de rue seront de forme rectangulaire et présenteront des dimensions différentes suivant l'importance du nom à inscrire. Elles seront comprises, pour la largeur, entre 0m70 et 1 mètre et, pour la hauteur, entre 0m35 et 0m50.
Elles seront du modèle suivant:
lettres ou chiffres blancs;
fonds bleu azur;
encadrement vert bronze de 3,5 cm de largeur, relevé d'effets d'ombre en filets blancs et noirs"
Un décret de 1982 précise qu'il s'agit du "bleu du phtalocyanate de cuivre" et du "vert oxyde de chrome".
Le droit d'attribuer le nom des voies à Paris est dévolu au Conseil municipal qui doit recueillir l'avis du conseil d'arrondissement concerné et soumettre le projet de dénomination à la Commission d'examen des projets de dénomination des voies.
Le système de dénomination des voies à Paris est dit historique "puisque les noms des vieilles rues conservent le souvenir de l'ancienne population qui les a choisis et que ceux des rues nouvelles contribueront à perpétuer la mémoire des grands hommes, des grandes actions dont s'enorgueillit la nation" (Rapport Merruau, 1862)
Le système obéit en outre aux règles suivantes:
-La simplicité du nom: "Pour qu'un nom soit choisi, il ne suffit pas qu'il soit digne de l'être, il faut, en outre, qu'il réponde à des exigences pratiques et variées, qu'il soit d'orthographe et de prononciation faciles, faciles à décrire et à retenir". (Rapport Beudant, 1873)
-"Aux plus grandes voies appartiendront naturellement des noms augustes qui sont l'objet de la reconnaissance publique".
-"Aux abords des églises, les noms de saints, de prélats, de prédicateurs célèbres, seront naturellement désignés de préférence".
-"Les environs des chemins de fer, les quartiers occupés par l'industrie, appelleront des noms d'ingénieur, d'inventeurs, d'industriels célèbres; les médecins se rangeront non loin des hôpitaux, les astronomes, les savants, près de l'Observatoire ou des écoles".(Rapport Merruau, 1862) .
Les autres modèles
Les propriétaires d'immeubles et de commerces sont libres d'apposer des plaques de nom de rue à leurs frais et selon le modèle qu'ils désirent. Les architectes en ont profité pour accorder ces plaques avec le style du bâtiment sur laquelle elle est aposée. Certaines, très originales, sont de véritables chefs d'oeuvre