ConnexionS'abonner
Fermer

Economie de la construction : une vision généraliste et globale d'un projet

Publié le 09 juin 2009

Partager : 

L'Union nationale des économistes de la construction (Untec) se réunit jeudi et vendredi à Reims pour son 37ème congrès. Pierre Mit sera alors intronisé président. Il nous explique ici les différentes problématiques de cette profession encore méconnue.
Economie de la construction : une vision généraliste et globale d'un projet - Batiweb
Batiweb.com : Pour commencer, parlez-nous de vous, votre parcours...

Pierre Mit : J'ai 53 ans. Je suis basé à Dangé-Saint-Romain dans la Vienne. J'ai un cabinet de dix personnes. Nous faisons principalement de l'économie de la construction, mais aussi de l'assistance à maîtrise d'ouvrage, de l'OPC (Ordonancement Pilotage Coordination, ndr), du SPS (sécurité et protection de la santé, ndr), un peu de maîtrise d'œuvre d'exécution. Comme on n'emmène que notre tête, notre champ d'action va de Béthune à Nice en passant par Saint-Nazaire et Reims... C'est par le biais des concours et des marchés publics qu'on est présents sur ce territoire. Je suis à l'UNTEC depuis 1985, j'y ai occupé des places au sein des bureaux départementaux et régionaux. Depuis trois ans j'en suis vice-président en charge de la Recherche & Développement. Cette année nous avons modifié nos statuts et le mode d'élection du président a changé. Il était autrefois élu en même temps que le bureau exécutif. Le résultat des élection se faisait au Congrès. Comme c'était des candidatures libres, ce n'était pas forcé que le président se retrouve avec l'équipe qu'il avait voulue. On a donc décidé de remédier à cela. Le président est maintenant élu six mois avant pour assurer une transition. A partir du 13 juin je prendrai mes fonctions de président de l'UNTEC.

Rappelez-nous en quoi consiste le métier d'économiste de la construction.

Ce n'est pas un métier connu du grand public. Nous sommes connus dans le monde des marchés publics, chez les industriels, mais pas chez les particuliers. Notre métier est très vieux, on en a retrouvé des traces chez les Egyptiens pour la construction des pyramides. On nous appelait les toiseurs, l'équivalent du métreur. Il y avait aussi les arpenteurs, c'est à dire les géomètres. Les arpenteurs mesuraient les terrains et les toiseurs mesuraient les bâtiments. Cela nous a emmené loin car il y a seulement un an que nous avons notre propre code APE (activité principale exercée, ndr). Jusqu'à peu nous avions le même que les géomètres. Notre métier est basé sur deux domaines : le contenant et le contenu ; le quantitatif et le qualitatif. Le contenant correspond à tout ce qui est lié au dimensionnel, quantités, surfaces, volumes. Le contenu, c'est la qualité, ce qu'il y a dedans, sa valeur en dépendra : marbre de Carrara ou peinture de sol... Un bâtiment de même surface, en fonction des produits mis en œuvre, aura un prix différent. Le geste architectural peut différer d'une région ou d'une personne à l'autre.

"Chez les Egyptiens, on nous appelait les toiseurs, l'équivalent du métreur"

Qu'est-ce qui a changé dans votre profession ces dernières années ?

Avant, les équipes de maîtrise d'œuvre n'étaient pas engagées sur les coûts. Avec le décret de 1973 sur la réforme de l'ingénierie : on dit attention, c'est terminé. Il y a un engagement de la maîtrise d'œuvre par rapport aux coûts. On a défini comment fonctionnait le monde de la construction. C'est à dire qu'il y a des maîtres d'ouvrages publiques et une maîtrise d'œuvre privée. Cette dernière a trois composantes : architecturale, technique et économique. C'est celle-ci qui nous concerne. On a constaté que l'architecture est une profession réglementée, avec un ordre. Du côté de la technique, on a tout un panel d'intervenants : des ingénieurs en structure, en VRD (voirie et réseaux divers, ndr), en fluide, en thermique, en acoustique, des ergonomes, des scénographes. Ce sont des gens qui, par leur savoir et des calculs, vont définir les caractéristiques spécifiques et techniques d'un produit. Et le troisième volet, économique, est composé de métreurs, vérificateurs, prescripteurs ; des gens qui quantifient et d'autres qui prescrivent les produits. L'économie de la construction comprend plusieurs métiers.

Cela implique-t-il de travailler étroitement avec les architectes et ingénieurs ?

De toute façon, quand on a aujourd'hui un appel d'offre de candidature pour un projet, le maître d'ouvrage exige une équipe de maîtrise d'œuvre dans laquelle il y aura un architecte, un bureau d'études, plus certains bureaux plus spécialisés sur des projets spécifiques, et également un économiste de la construction. On travaille donc évidemment main dans la main. Sur certains projets, nous sommes mandataires, quand la part architecturale est vraiment secondaire. C'est une spécificité française que de différencier les formations. Ailleurs, la formation pour la maîtrise d'œuvre est commune. Ce n'est qu'ensuite qu'on décide de se spécialiser dans l'architecture, la technique ou l'économie. En France, on met des œillères... C'est ce qui peut expliquer que ça ne se passe pas toujours bien. Au sujet de l'absence de formation commune, c'est une des choses qui est ressorti par exemple, dans le cadre du projet eXpert. Si les gens avaient une formation commune, on pourrait évoluer plus facilement vers un travail en commun et une transversabilité.

Sur certains chantiers types, peut-on se passer de l'économiste de la construction ?

Il y a des cabinets d'architectes avec des économistes intégrés, comme certains gros bureaux d'études, et bien sur des économistes indépendants comme moi. La répartition du marché se fait donc différemment d'une région à l'autre. Dans ma région, les bureaux d'études n'ont pas d'économistes intégrés. Les architectes en ont parfois mais ils les gardent pour de petites opérations ponctuelles. Dès que l'opération a une certaine importance, on vient nous chercher. Lorsque vous êtes économiste indépendant, c'est votre image personnelle que vous mettez en jeu. Il y a une déontologie à assumer son rôle. Je connais peu d'architectes qui ne font pas appel à un économiste. Cela leur apporte une solvabilité car c'est une personne extérieure qui a une vision complète, qui est indépendante et va faire un chiffrage. Un sondage fait il y a deux ans a révélé que cette profession avait su conserver une certaine indépendance, même en étant intégrée dans l'équipe de maîtrise d'œuvre.

"En tant qu'économiste indépendant, c'est votre image personnelle que vous mettez en jeu."

Concrètement, quelles sont les différentes problématiques de votre métier ?

Lorsque vous faîtes un calcul thermique, de charge ou d'acoustique, il s'agit de modèles mathématiques. Faire des quantités, c'est mathématique, mais à un moment donné il faut mettre un prix. Celui-ci est lié à de nombreux paramètres, notamment à la conjoncture. Aujourd'hui, dans notre métier, la partie économique, c'est ça. Quantifier un ouvrage, c'est de la géométrie associée à de la technologie : des hauteurs, des surfaces, des distances... c'est-à-dire des données fixes, sans interprétation possible. Il y a ensuite la partie prescription, qui répond à des normes. Vous ne prescrivez pas le même carrelage dans un hall d'entrée d'un hôpital à 5000 passages par jour que dans une maison. Il y a enfin la notion de prix, qui varie en fonction de l'endroit où on se trouve, de l'importance du chantier, des entreprises qui vont répondre à l'appel d'offre, le contexte, s'il est favorable ou non... Il faut donc avoir une vision très généraliste et globale de ce qui gravite autour d'un projet.

Etre économiste de la construction, c'est donc tout chiffrer et mettre des garde-fous ?

En effet, le maître d'ouvrage peut parfois avoir des souhaits supérieurs à son budget. On peut aussi avoir un architecte avec un geste architectural qui fait que l'on dépasse l'enveloppe ou encore un bureau d'études qui développe une technique pour laquelle les matériaux ne sont pas forcément disponibles dans la région. C'est là qu'est notre valeur ajoutée : avoir une vision globale et les paramètres qui l'entourent pour donner le prix le plus juste. On essaye de rester dans une logique, ou au moins d'expliquer, s'il y a un dérapage dans un sens ou dans l'autre, ce qui s'est passé. Un exemple simple : vous lancez un appel d'offre. Le même jour, cinq autres maîtres d'ouvrage en lancent eux aussi. Les entreprises ouvrent la presse, voient tous ces appels d'offres et peuvent se dire qu'il y a du boulot. La réponse de prix risque donc d'être différente que lorsqu'on n'a pas vu d'appel d'offre depuis quinze jours. On l'a bien vu avec le choc financier, le problème des banques et des crédits. En période d'élection municipale, il y a aussi un frein au niveau des projets. Tout cela ne facilite pas notre métier, sachant que le gros de notre activité est dans les marchés publiques.

Propos recueillis par Laurent Perrin

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.