Cancer mortel d'un ouvrier du bitume : un scandale comparable à celui de l'amiante ?
C’est un procès sans précédent qui a démarré à Bourg-en-Bresse lundi. L'affaire oppose Eurovia à la famille de José-Francisco Serrano Andrade, ouvrier spécialisé dans l'épandage du bitume et du macadam sur les routes et autoroutes à partir de l'arrière d'un camion, décédé le 3 juillet 2008 à 56 ans d'un cancer de la peau qui s'était déclaré sur son visage. L'avocat lyonnais de la famille, Me Jean-Jacques Rinck, a estimé à l'audience que « le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRMPP) a reconnu un lien direct entre la maladie de mon client et son activité professionnelle ».
L'avocat d'Eurovia, Me Franck Dremeaux, a estimé pour sa part que la maladie avait été « provoquée par une exposition excessive au soleil et non par l'inhalation de produits toxiques ». L'avocat du géant de la construction des routes souhaite notamment que « le CRMPP donne un motif clair, net et sans ambiguïté ». « M. Andrade est mort d'avoir inhalé trop d'émanations de bitumes, reconnues comme éminemment cancérigènes », a estimé à l'avocat de la famille, M. Rinck. A l'issue de l'audience, la veuve de M. Andrade a expliqué qu'elle avait saisi la justice surtout pour dire aux autres ouvriers qui travaillent sur les chantiers routiers et autoroutiers : « prenez vos précautions. Il ne faut pas que cela se reproduise ».
M. Rinck ajoute que « plus de 4000 salariés sont exposés chaque années aux émanations de bitume », et la décision du Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) « pourrait obliger les multinationales des travaux publics à dépenser des milliards d'indemnisation », avant de comparé ce procès à celui de l'amiante.
Le bitume, substance composée d'un mélange d'hydrocarbures, provient presque exclusivement de la distillation des pétroles bruts. Plusieurs pays européens reconnaissent le cancer de la peau lié à l'utilisation de bitume comme une maladie professionnelle. Le Tribunal des affaires de sécurité sociale a mis sa décision en délibéré au 10 mai 2010.
Bruno Poulard (source AFP)