Plus de 250 000 logements neufs « oubliés » des statistiques depuis 2010
« Un sondage n'est pas un substitut à la réflexion ». Cette citation de Warren Buffett trouve parfaitement écho auprès des méthodes statistiques du logement, de l’immobilier et de la construction. Jusqu’à présent, les chiffres communiqués étaient recensés auprès des services chargés d’instruire les demandes de permis de construire. Ils étaient donc publiés avec un certain délai et soumis à divers aléas de collecte. De nombreux utilisateurs avaient relevé les limites de cette méthode à plusieurs reprises, en particulier le rapport du conseil national de l’information statistique de 2010.
La réforme de l'urbanisme en 2007 détériore la collecte
L’état des lieux de ce rapport (ndlr : appelé aussi rapport Vorms) avait fait apparaître l’existence d’une masse d’informations considérable, issue d’enquêtes statistiques et de fichiers administratifs. « Le traitement et la valorisation de cette information sont toutefois perfectibles, notamment pour ce qui est du financement de l’accession à la propriété, du mal-logement, du suivi de la construction de logements neufs et des prix de la construction » est-il précisé.
Il aura fallu attendre 5 ans pour que le service statistique du ministère du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité (SOeS) développe une nouvelle méthode de calcul en concertation avec l’INSEE. Et avec cette méthode toute neuve, le SOeS révèle que les chiffres des mises en chantier sont revus à la hausse à partir de 2007. Les chiffres sont encore plus parlant à partir de 2010. Ainsi, de 2010 à 2014, c'est un total de 251 300 logements commencés qui ont été « oubliés » dans les statistiques présentées. En 2013, ce n'est plus 331 900 logements neufs construits mais bien 401 700.
Comment de telles erreurs ont pu se glisser dans des statistiques aussi importantes ? « La collecte d'informations se détériore à partir de 2007 » explique le ministère, lors de la phase décentralisation des permis de construire. En effet, la réforme de l'urbanisme a obligé les administrations à changer de logiciel de collecte d'informations. « Les services ont identifié une instabilité de la collecte entre 2007 et 2011 suite à la réforme du droit des sols. Ces écarts de saisie peuvent représenter jusqu’à 40 000 logements sur un an. Certaines régions ont été particulièrement affectées par ces chocs de collecte, notamment Provence-Alpes-Côte d’azur, l’Aquitaine et l’Ile-de-France » précise le ministère. Par exemple, « 80 000 logements autorisés en 2010 n’apparaissent ni annulés, ni mis en chantier ».
Des enquêtes annuelles pour ajuster les résultats
En 2014, 356 000 logements ont été mis en chantier, soit une majoration de 58 000 logements par rapport aux résultats de la précédente méthode. Une bonne nouvelle pour le ministère, constamment critiqué sur les chiffres de construction de logements. « C'est davantage une remise à niveau, ça ne change pas le discours politique du gouvernement sur le logement : continuer à construire des logements là où il y en a besoin » affirme un porte-parole du ministère.
A partir du 27 février, la nouvelle méthode de calcul repose sur une estimation des chiffres de la construction à partir des données collectées puis complétées par des travaux de modélisation basés sur des paramètres conjoncturels tels que le stock de logements invendus des promoteurs, les taux d’intérêt ou le moral des ménages. En complément, des enquêtes annuelles pour ajuster les résultats et éviter toute divergence entre les estimations et la réalité seront réalisées. « Les faits sont têtus. Il est plus facile de s'arranger avec les statistiques » aurait probablement répondu Mark Twain.
>> Voir les chiffres de la construction de logements neufs de novembre 2014 à janvier 2015
Une cohérence restauréeLa FFB se « félicite » ce vendredi de la nouvelle approche retenue par les pouvoirs publics. « Cette méthode, qui palie la détérioration de l’information née de la multiplication des réformes du permis du construire depuis 2007-2008, permet, en première analyse, la réconciliation des données du secteur », souligne la Fédération, même si cela ne change « en rien la réalité de la crise profonde et durable du logement neuf ». |
Bruno Poulard