Femmes dans le BTP : une progression encore timide
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À l'approche de la Journée internationale des droits des femmes, la place des femmes dans le secteur du BTP reste un enjeu important.
En 2024, la Fédération Française du Bâtiment (FFB) dénombrait 12,9 % de femmes dans le secteur, avec une répartition inégale selon les métiers : 46,3 % parmi les employés et techniciens, 21 % parmi les cadres, mais seulement 1,8 % parmi les ouvriers. Par ailleurs, plus de la moitié des entreprises sont dirigées ou codirigées par une femme.
Des freins toujours présents…
Si la mixité progresse, elle reste encore limitée. « Nous étions à 10 % il y a quelques années, nous avons gagné quelques points, mais il faut continuer à travailler pour attirer plus de femmes », souligne la présidente de la commission nationale des Femmes de l'artisanat à la CAPEB, Cécile Beaudonnat.
L'un des sujets brûlants du moment est la suppression annoncée du statut de collaborateur-conjoint à partir de janvier 2027, dont actuellement près de 4 200 femmes bénéficient. Sa disparition les contraindra à devenir salariées, ce qui entraînera une augmentation significative des cotisations sociales, passant de 3 000 à 15 000 euros par an.
D'autres freins entravent l'accès des femmes au secteur, notamment en matière de financement. « Il leur est encore fréquemment demandé une garantie de leur mari ou de leurs parents, alors que cette exigence n'est pas imposée aux hommes », déplore-t-elle. La gestion des congés maternité et paternité dans les petites entreprises artisanales pose également problème. Remplacer temporairement une employée en congé est souvent complexe, ce qui freine l'embauche des femmes.
…malgré un changement de mentalité
Pourtant, un changement de mentalité est en cours. « Les jeunes générations ne se posent plus la question de la mixité. Pour elles, travailler ensemble, hommes et femmes, est une évidence », observe la présidente de la commission. Cette évolution est favorisée par la médiatisation croissante des parcours féminins dans le BTP, notamment sur les réseaux sociaux, qui contribuent à déconstruire les stéréotypes.
L'amélioration des conditions de travail, en particulier sur les chantiers, joue également un rôle important. Les efforts de l'OPPBTP en matière d'hygiène visent à rendre ces espaces plus accueillants pour les femmes. « Une enquête en cours permettra d'identifier les axes d'amélioration à privilégier », annonce cette dernière.
Face à ces défis, « il faut oser et s'entourer d'un réseau, que ce soit la CAPEB ou d'autres associations. Se faire accompagner est essentiel pour réussir », encourage Cécile Beaudonnat. Si la mixité dans le BTP progresse, elle reste encore insuffisante.
Des initiatives en faveur de la mixité
Longtemps considéré comme un secteur exclusivement masculin, le BTP voit émerger des initiatives visant à renforcer la visibilité des femmes, à l'instar de la plateforme Batifemmes. Lancée en mai 2022, et fondée par deux femmes, Emmanuelle Tollée et Karine Santamaria, cette entreprise met en relation des particuliers avec des artisanes qualifiées, diplômées et assurées. Aujourd'hui, le réseau regroupe plus de 160 artisans, dont 60 % en reconversion professionnelle.
Malgré cela, la présence féminine reste faible dans le bâtiment. Les femmes représentent 4 % des artisans du secteur, un chiffre qui tombe à 1 % dans certaines spécialités comme l'électricité, la plomberie ou le carrelage. Les préjugés restent un frein majeur. Certains clients hésitent encore à confier des travaux techniques à une femme, comme en témoigne une électricienne du réseau Batifemmes : « Un client m'a dit : "Je pensais que vous étiez la secrétaire, jamais je ne vous confierai l'électricité de ma maison, c'est trop technique" ».
Pour améliorer la mixité, « l'image du secteur doit évoluer, car il reste souvent perçu comme une filière de dernier recours. La féminisation des noms de métiers permet aussi d'ancrer la présence des femmes dans l'imaginaire collectif : parler de plombières, d'électriciennes ou de menuisières contribue à normaliser leur place. Les outils de travail deviennent également plus ergonomiques, comme en témoigne l'exemple des girafes utilisées en peinture, qui ne pèsent plus que 4 kg, contre 10 kg auparavant », développe Karine Santamaria.
L'entrepreneuriat féminin reste un autre enjeu. Beaucoup d'artisanes, faute de confiance, préfèrent le salariat après leur formation, alors que les hommes hésitent moins à se lancer à leur compte. Batifemmes œuvre pour les accompagner en leur apportant des chantiers qualifiés et en les mettant en relation avec des clients sensibles à la mixité. « Ces derniers se répartissent en trois profils : ceux qui recherchent une relation plus apaisée et plus à l'écoute, ceux qui se sentent plus en sécurité avec une artisane, et ceux qui souhaitent soutenir activement la présence des femmes dans le BTP », explique la cofondatrice.
Sexisme et harcèlement : encore des problématiques à combattre
Si le BTP n'est pas plus touché que d'autres secteurs par ces phénomènes, une vigilance particulière demeure nécessaire. Louise Peugny, avocate au cabinet Voltaire Avocats, souligne que le caractère historiquement masculin du BTP, notamment sur les chantiers, renforce parfois les comportements sexistes : « Beaucoup d'entreprises mettent en place des formations sur le sexisme, mais encore trop peu sur les chantiers eux-mêmes, où les mentalités évoluent plus lentement », explique-t-elle.
Elle insiste également sur le fait que « les comportements déplacés ne sont pas toujours perçus comme du harcèlement par leurs auteurs, d'où l'importance d'une sensibilisation s'accroît ».
L’avocate en droit social rappelle aussi que les femmes hésitent encore trop à signaler des faits de harcèlement, par crainte de représailles ou d'être perçues comme des éléments perturbateurs : « On observe un vrai problème d'isolement, notamment pour celles qui travaillent dans des petites structures ou qui sont les seules femmes sur un chantier. Elles ont souvent peur de parler, par peur de nuire à leur carrière », indique Me Peugny.
Pour lutter contre ces dérives, elle recommande de « généraliser la présence de référents harcèlement dans les entreprises et sur les chantiers, pour offrir un cadre sécurisé aux femmes qui souhaitent témoigner ».
« Ayez confiance en vous ! Si vous aimez ces métiers et que vous avez envie de travailler de vos mains, foncez ! », conclut la cofondatrice de Batifemmes.
Propos recueillis par Marie Gérald
Photo de Une : Adobe Stock