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Droits de douane : les TPE s'inquiètent pour la demande de chantiers

Publié le 11 avril 2025

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Si l'augmentation spectaculaire des droits de douane décidée par l'administration Trump a été suspendue temporairement pour certains pays - dont la France - l'incertitude économique plane, en particulier pour les TPE du bâtiment. Le point avec le SDI.
Droits de douane : les TPE s'inquiètent pour la demande de chantiers - Batiweb

Comment le SDI appréhende les décisions et tergiversations de l’administration américaine sur les droits de douanes ?


Jean-Guilhem Darré : Notre syndicat représente des artisans, des TPE, des entreprises de moins de 10 salariés. Et il faut être assez clair, on parle de taxes à l'exportation au niveau des États-Unis. Donc, il n'y a pas d'impact direct sur nos adhérents. Par contre, il pourrait y avoir un impact indirect, car avant que Donald Trump suspende pendant 90 jours ses décisions, l’UE comptait surtaxer de 25 %, à compter du 16 mai les importations d’acier en provenance des États-Unis.

Donc on peut s’interroger sur quelles matières premières le prix peut augmenter, voire comment cela pourrait être répercuté par les fournisseurs auprès des artisans ? Est-ce que les prix vont augmenter ? Est-ce qu'on va avoir accès à moins de produits ?

Relations clients et fournisseurs vues par les entreprises interrogées par le SDI en avril 2025
Source : Baromètre SDI sur les entreprises du BTP - avril 2025

La problématique, c'est le climat anxiogène, l’environnement d'instabilité. Pas pour les professionnels en eux-mêmes, mais surtout pour les clients. Parce que quand on ne sait pas où on va, on attend. Donc, il y a moins de chantiers

Les professionnels ne réagissent pas par rapport à eux-mêmes, mais par rapport à leur marché. Si, moi, en tant que professionnel, j'ai des augmentations tarifaires de mes fournisseurs ou des droits de douane, et que je suis en capacité de répercuter cela sur mes clients, cela ne va pas me toucher particulièrement. Par contre, si je ne suis pas en capacité de répercuter parce que mes clients ont déjà des problèmes de pouvoir d'achat, voire ne passent pas de commandes parce qu'ils s'inquiètent et préfèrent reporter, là, oui, cela va me préoccuper sérieusement.

Y a-t-il d’autres facteurs amplifiant cette incertitude ?

 

Jean-Guilhem Darré : On peut parler aussi des tensions politiques en France. Cela fait maintenant près de 120 jours que le gouvernement Bayrou a été nommé. Pour autant, les professionnels, dans leur ensemble, y compris le BTP, estiment que la situation n'est pas stabilisée.

Ce n’est pas seulement le gouvernement qui pêche, c'est la représentation nationale des législateurs, en train de se battre pour essayer de passer des amendements. Si tous sont d'accord sur certains fondamentaux, ils ne le sont pas sur les remèdes à apporter. Donc, sans majorité parmi les députés, nous sommes toujours dans une instabilité.

Ce qui impacte le moral des entreprises du BTP, comme en témoignent les chiffres du baromètre du SDI…

Jean-Guilhem Darré : Nous remarquons en effet que les professionnels du BTP ont un sentiment négatif à hauteur de 87 %, ce qui est plus élevé que la moyenne, à 82 %. 

État d’esprit des entreprises du BTP interrogées par le SDI en avril 2025
Source : Baromètre SDI sur les entreprises du BTP - avril 2025

20 % de nos entreprises du BTP interrogées sont en colère, contre 13 % dans les autres secteurs d'activité. 22 % des entreprises se déclarent désabusées, contre 28 % dans le bâtiment.

Elles étaient déjà sous tension ces derniers temps, en raison de cette histoire de TVA sur les auto-entrepreneurs et micro-entrepreneurs.

Une défaillance sur cinq concernerait une structure du secteur. Notamment dans les domaines de la construction de maisons individuelles… Certes on voit que sur le 1er trimestre 2025, la construction tient avec plusieurs activités dans vert. Mais n’oublions pas que la plâtrerie compte +17 % de défaillances, et la maçonnerie générale +5 %. Et après le bilan de l’année dernière, la situation reste sur niveaux élevés…


Au travers de notre enquête en avril 2025, nous avons posé des questions sur les perspectives, qui ne sont pas très bonnes. Dans le domaine du BTP, 54 % déclarent avoir des difficultés de trésorerie, dont 26 % importantes.

Difficultés de trésorerie des entreprises du BTP interrogées par le SDI en avril 2025
Source : Baromètre SDI sur les entreprises du BTP - avril 2025

Après, en termes d'évolution du chiffre d'affaires, on est à 25 % qui sont en baisse, mais 46 % qui sont stables, ce qui est plutôt pas mal. Mais 23 % des professionnels disent vouloir cesser leur activité, dans le cours de l'année 2025.

Évolution du chiffre d’affaires vue par les entreprises du BTP interrogées par le SDI en avril 2025
Source : Baromètre SDI sur les entreprises du BTP - avril 2025


Face à des tensions - notamment géopolitiques - la souveraineté économique revient souvent dans la politique française. Le tissu entrepreneurial français est-il paré ? 

Jean-Guilhem Darré : Ce que recherche Donald Trump aujourd'hui, c'est de recentrer toute production aux États-Unis. La France n'est pas un pays exportateur particulier aux États-Unis, sauf dans certains secteurs d'activité : le luxe, le domaine viticole. 

Parmi les PME, certaines exportent et sont dépendantes finalement du marché étranger, comme les grandes entreprises.

Nous, en tant que TPE, l'avantage qu'on a, c'est d'être déjà centré sur le local. Nous embauchons local, on consomme - le plus possible - local, et notre clientèle est locale. La TPE n'est dépendante que dans une minorité de cas, parce qu'extrêmement peu exportent - environ 3 % de mémoire. 

La TPE, par définition, est une entreprise qui fonctionne sur le territoire français et qui donc est représentative de la souveraineté économique en France.

Que propose le SDI pour protéger ces structures ?

 


Jean-Guilhem Darré : Dans le domaine du BTP, la première solution serait effectivement l'abaissement du seuil de franchise en base de TVA à 25 000 euros. Chez les artisans du bâtiment, un sur deux travaille en franchise en base de TVA. C'est un secteur où il y a une vraie concurrence entre ceux qui sont soumis à la TVA et ceux qui ne le sont pas. Donc l’abaissement de la franchise en base permettrait de rééquilibrer un petit peu et peut-être apporter de nouveaux marchés aux professionnels indépendants classiques.



Recherche de personnel enregistré chez les entreprises interrogées par le SDI en avril 2025
Source : Baromètre SDI sur les entreprises du BTP - avril 2025

Deuxième élément : les difficultés de recrutement, mentionnées par les artisans du bâtiment. Il y a du travail, mais ils ne sont pas en capacité de l'accepter ou de l'assumer.

Raisons d'absence de recrutement par les entreprises du BTP interrogées par le SDI en avril 2025
Source : Baromètre SDI sur les entreprises du BTP - avril 2025

Donc forcément, ça impacte leur chiffre d'affaires, etc. Par contre, quand on leur demande jusqu’à combien d’heures supplémentaires les chefs d’entreprise seraient capables de proposer à leurs salariés, 23 % répondent plus de 4 heures, soit au-delà des des 39 heures de travail et 40 % 4 heures supplémentaires par semaine. L’idée c’est de faire sauter les 35 heures - avec rémunération supplémentaires - pour l’augmentation du pouvoir d'achat immédiat, du volume global de cotisations et du temps de travail tout au long de la vie. Ce qui permettrait éventuellement d'éviter d'avoir à concentrer finalement ce temps de travail non réalisé auparavant sur la fin de la carrière, et d’être obligé de partir à 65 ou 70 ans.

Heures supplémentaires sont prêtes à proposer les entreprises du BTP interrogées par le SDI en avril 2025
Source : Baromètre SDI sur les entreprises du BTP - avril 2025

Nous entendons beaucoup aussi de la part des corporations du BTP, des problématiques sur la caisse de congés payés, l’intermédiaire auquel ils versent chaque mois ce qui sera versé à terme par les salariés. C’est une avance de trésorerie, d’environ 6 milliards d'euros par an. Or, 80 % des entreprises interrogées voudraient avoir la possibilité de payer directement leurs salariés au moment où ils prennent leur congé, et donc conserver une trésorerie pendant un certain temps, plutôt que d'avoir à la verser mensuellement aux caisses.


Sur la deuxième proposition, n’y a-t-il pas des risques de surmenage et plus largement des risques psychosociaux

 

Jean-Guilhem Darré : Il faut analyser s'il y a plus ou moins de risques psychosociaux au sein des petites entreprises. Car il avait été observé à une époque que les salariés des petites entreprises étaient moins sujets, à la pression ou aux risques psychosociaux que dans les entreprises de taille moyenne ou grande.

Pourquoi ? Ils sont en lien direct avec le patron, avec lequel ils peuvent discuter. Travaillant dans des équipes de trois à cinq salariés dans un cadre quasi-familial, ils peuvent participer aux décisions. C’est une ambiance totalement différente que la verticalité qu'on peut retrouver dans les ETI en France.

Propos recueillis par Virginie Kroun

Photo de une : SDI

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