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Dans le quotidien d'une femme sur chantier

Publié le 24 février 2025

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Les femmes sont de plus en plus nombreuses à s'orienter vers le secteur du BTP. Pourtant, des préjugés persistent et celles-ci sont encore souvent victimes de remarques déplacées, si ce n’est pire. Malgré tout, leur profil peut comporter certains avantages, pour elles comme pour leurs clients et leurs employeurs. Témoignages.
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Le secteur du BTP commence peu à peu à se féminiser. Si en termes d’effectifs, la part de femmes employées est encore loin d’égaler celle des hommes, les choses évoluent dans le bon sens.

En France, il y a une vingtaine d’années, la part des femmes était d’environ 8,6 % dans le secteur. Aujourd’hui, elles sont entre 12 et 13 % à travailler dans le milieu du BTP. Selon la Fédération Française du Bâtiment (FFB), cette part était de 12,9 % dans le bâtiment, et environ 11,5 % dans les travaux publics en 2022.

Toutefois, cette répartition varie fortement selon les fonctions. En effet, les femmes sont bien plus nombreuses à occuper des postes administratifs ou de management (environ 20 à 21 %) qu’à occuper une fonction sur les chantiers. Sur le terrain, entre 1,6 et 1,8 % des employés sont des femmes.

Malgré cette hausse progressive de la part des femmes dans le secteur, celles-ci y sont encore largement minoritaires. Pourquoi les métiers du BTP ne leur octroient pas une plus grande place ?

Les femmes davantage présentes dans l’administratif ou le management

 

Pour Audrey S., directrice de travaux au sein d'une agence d’architecture, la dimension physique joue un rôle prépondérant quant à la part des femmes ouvriers sur les chantiers : « Les ouvriers ont souvent des tâches très physiques. Je pense qu’il est beaucoup plus difficile pour une femme de les remplir, car il est parfois question de porter des charges lourdes toute la journée. Selon moi, cette dimension physique justifie le fait qu’il y ait très peu de femmes ouvriers sur les chantiers ».

La directrice de travaux souligne toutefois que du côté des architectes ou des directrices de travaux, les femmes occupent une place de plus en plus importante, jusqu’à dépasser en nombre leurs homologues masculins. Des propos qui confirment les données de la FFB : « Le métier d’architecte est tout de même très féminin. Aujourd’hui, quand on regarde les profils dans les écoles d’architecture, il y a beaucoup plus de filles que de garçons ». 

Même perception pour Sarah M., maître d’œuvre et assistante à maîtrise d’ouvrage pour une boîte qui a préféré conserver l’anonymat : « Pendant mes études, il y avait une majorité de femmes dans les écoles d'architecture, tandis que les hommes étaient majoritaires en école d’ingénieurs ».

Gagner le respect et la confiance des homologues masculins

 

Les femmes aux postes administratifs et de management sont-elles pour autant respectées par leurs homologues masculins ? Cela dépend des profils auxquels elles vont faire face, comme l’explique Audrey S. : « Que l'on soit un homme ou une femme, quand on arrive dans le milieu, on peut facilement être impressionné. On peut alors faire face à deux types de profils de façon générale : les entreprises pédagogues, et celles qui sont plus réticentes envers les femmes, car elles sont dans des stéréotypes selon lesquels nous sommes moins techniques et donc moins compétentes. C'est quelque chose qui existe encore, mais qui, selon moi, est de plus en plus rare ».

Une étape par laquelle il faut parfois passer, avant de finir par se faire accepter, non sans avoir passé quelques obstacles. « Les femmes sont comme mises à l'épreuve. Il y a parfois des situations où des conducteurs de travaux nous posent des questions dont ils ont la réponse. Ces derniers veulent simplement s'assurer que nous maîtrisons notre sujet. Une fois que l’on a gagné leur confiance, les choses se passent en général très bien », nous explique Audrey S., qui concède toutefois que ces « tests » sont certainement plus réservés aux femmes qu’à leurs homologues masculins.

Les profils féminins appréciés sur chantier

 

Sarah M. nous explique qu’en tant que maître d’œuvre d’exécution, poste qu’elle occupait anciennement, certains ouvriers se montraient parfois plus motivés quand la consigne venait d'elle. « J’étais quelqu’un d’appréciée sur les chantiers. Et cela pouvait s’avérer avantageux car il arrivait que l’un de mes collègues masculins fasse une demande spécifique à un ouvrier, sans que celle-ci ne soit exaucée. Tandis qu’avec ce même ouvrier, si c’est moi qui lui faisais la demande, j’étais tout de suite entendue », témoigne la maître d'œuvre d'exécution. « Certains interlocuteurs sont plus sensibles et à l'écoute lorsqu'une femme demande un service. Un homme a plutôt tendance à vouloir aider une femme plutôt qu'un homologue. Peut-être aussi par la forme de la demande ou malgré nous, par galanterie ou parce que certains sont charmés naturellement », ajoute Audrey S..

L'intéressée développe : « Certains conducteurs de travaux m’ont dit qu’ils préfèrent avoir affaire à une femme. Ces derniers ont la sensation que lors d’une réunion, le ton augmente beaucoup moins qu’avec des hommes. Les femmes sont davantage dans l’écoute et la compréhension, elles ont plus tendance à chercher des solutions », témoigne la conductrice de travaux.

Ne pas avoir peur de parler

 

Malheureusement, tout est loin d’être rose pour les femmes du secteur. Certaines font les frais de ce milieu très masculin, jusqu’à faire l’objet de remarques et de comportements déplacés, voire sexistes.

Si ce genre de situation arrive, il est primordial d’en parler, comme l’explique la conductrice de travaux : « J’ai l’exemple d’une stagiaire qui avait été victime de remarques déplacées de la part d’un ouvrier. Nous n’en savions rien jusqu’à ce qu’elle décide de nous en parler. Avant ça, et quand il était question de la placer sur tel chantier, on constatait un malaise de sa part à l’idée de travailler avec l’ouvrier en question. C’est pour cela que la communication est très importante, cela permet d’éviter ce genre de situation, de se sentir oppressé. Il n’y a surtout aucune honte à parler, car ce n’est pas elle qui est fautive, elle n’a rien fait de mal».

Même son de cloche pour Sarah M. : « Si l’on est victime de sexisme, il ne faut pas avoir peur d’en parler et d’évoquer la chose avec les personnes que l’on a autour de soi. Il faut également être capable de dire à la personne qui nous importune que son comportement ne nous plaît pas. Et cela ne vaut pas uniquement pour les métiers du BTP ».

> Consulter le dossier spécial Féminisation dans le BTP

 

Propos recueillis par Jérémy Leduc

Photo de Une : Adobe Stock

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