Construction métallique : les points noirs de la croissance
La branche prête le flanc sur trois points faibles : d'abord la difficulté de recrutement dans des métiers hautement qualifiés, de l'atelier au laboratoire, due sans doute à un défaut d'image, et ensuite la limitation des financements assistance-développement. Mais surtout, les entreprises sont plombées par des pratiques de marchés aussi laxistes que favorables à une concurrence " grise ", pour ne pas dire " déloyale ", que dénonce Roger Briand, Président du SFCM, parce qu'issue des décisions mêmes de l'acheteur public.
Haute valeur ajoutée et zéro déchets : susciter des vocations ?
La construction métallique a du mal à recruter pour répondre à la demande dans l'immédiat. Pénibilité de la sidérurgie et dangerosité de la construction traditionnelle restent associées à l'image de la construction métallique, alors que le secteur a largement évolué vers la robotique et la préfabrication de haute précision en usine, et des moyens de levage et de transfert commandés par des opérateurs en nacelles motorisées sur chantier. Les métiers de la construction métallique proposent des postes " propres ", tout au long du cycle de vie pour ainsi dire " perpétuel " d'un matériau d'où est absente la notion de déchet. Parallèlement, la modernisation de l'enseignement professionnel (en cours) devrait réduire ce retard, avec l'innovation d'un nouveau BTS " Architectures en métal, conception et réalisation ". À plus longue échéance, c'est la formation d'ingénieurs et de chercheurs qui mériterait d'être valorisée et soutenue.Financement du CTICM : méconnaissance ou erreur d'appréciation ?
Les performances de la construction métallique, en phase études comme sur chantiers reposent sur les compétences-métier internes des entreprises, mais pas moins sur leurs liens étroits avec les centres techniques, au premier chef avec le CTICM.L'existence du CTICM et des CT régionaux repose sur deux sources de financement, rappelons-le : les ressources propres, obtenues essentiellement grâce à des études et diagnostics confiés par des donneurs d’ordre privés et publics, et les ressources provenant collectivement de la branche, correspondant à une taxe affectée, versée par chaque entreprise ressortissante, sur la base du volume de sa production en charpentes métalliques. Par exemple, la réactivité des CT aux demandes des entreprises, pour ainsi dire " à la volée " en réponse à des problèmes posés sur chantiers est une des points forts de la branche. Mais le plafonnement sur le montant de la taxe affectée, institué depuis la loi de finances 2012, réduit la capacité de développement de ressources collectives par le CTICM. Celui-ci souffre d'être réduit à la portion congrue : est touchée au premier chef la capacité d'innovation (logiciels de calcul), comme l'aide aux entreprises dans l’ingénierie de la sécurité incendie et le développement de celle-ci.
Concurrence européenne non masquée dans les marchés d'entreprise générale
M.Briand revient sur un thème d'urgence, dont il s'est fait le porteur à diverses reprises, les effets pervers des marchés d'entreprise générale aux dépens des entreprises françaises dans le cadre de la concurrence européenne.Le choix responsable de l'acheteur public, dont la bonne foi ne saurait être mise en cause, est évacué dans le cadre de la procédure d'entreprise générale : l'entreprise générale adjudicataire n'est pas tenue de communiquer sur les entreprises sous-traitantes de la réalisation de l'ouvrage. L'entreprise générale n'étant pas non plus obligée de conserver à ce stade le sous-traitant – français - qui a réalisé pour elle les études préalables, celles-ci peuvent être utilisées pour exécuter le chantier avec un sous-traitant plus avantageux. L'écran de fumée du cadre général fait ainsi échapper des marchés importants aux entreprises françaises, comme la réalisation du terminal T1 de l'aéroport de Lyon-St Exupéry, ou celle de l'hôpital de Grenoble. Les marchés passés en mode entreprise générale privent l'acheteur public de la visibilité de l'allotissement, pourtant recommandé par le code des marchés publics, insiste M.Briand. Il faut admettre que l'acheteur public est souvent dépourvu de l'entourage de compétences nécessaires pour aborder la complexité de ces marchés. Ces marchés se prêteraient facilement à une exigence minimale de transparence de la sous-traitance, et à l'obligation de conserver les sous-traitants, sauf défaillance, depuis les études jusqu'à l'exécution. Avec de tels moyens de contrôle par défaut, l'acheteur public pourrait " aboutir à un achat responsable en connaissance de cause et globalement économique pour la commande publique ", souligne M.Briand, précisant toutefois que l'acheteur des marchés privés n'est pas concerné par cette revendication du SCMF. Il est évident que les pertes du secteur portent, au-delà des parts de marché stricto sensu, sur l 'ensemble des retombées économiques.
Ouvrages remarquables
À la fois en termes d'ingénierie et de culture architecturale sont à mettre en avant trois ouvrages en cours de transformation, par le rappel qu'ils font de la grande époque du fer du 19e - 20e siècles, et par les nouvelles technologies requises pour leur nouvelle vie : la gare d'Austerlitz (groupement Baudin-Châteauneuf), la poste du Louvre (Auer), la Cité de l'économie et de la Monnaie (CCS International).JPC
Photo de Une : ©Banque de France – Ateliers Lion Associés