Grand Paris : la révolution urbaine est en marche

La transition écologique et la crise du logement redéfinissent aujourd’hui les priorités de l’aménagement urbain en Île-de-France.
Au sein de Paris intra-muros, plusieurs opérations illustrent cette dynamique. La ZAC Clichy-Batignolles, lancée au début des années 2000, arrive aujourd’hui à son terme. « Le programme immobilier est achevé, il ne reste que l’habillage du RER C, dont les travaux s’achèveront à l’automne 2025 », précise Corinne Martin, directrice communication chez Paris & Métropole Aménagement.
Ce quartier a été un terrain d’expérimentation pour des approches écologiques avancées : recours à la géothermie, toitures photovoltaïques, bâtiments à haute performance énergétique, large parc urbain de 10 hectares… Une logique pionnière pour l’époque, qui a depuis inspiré d’autres projets, à commencer par Saint-Vincent-de-Paul, dans le 14e arrondissement.
Des quartiers repensés au cœur de la capitale
Sur cet ancien site hospitalier, la transformation va bien au-delà de la construction de logements. « Nous avons fait le choix de réhabiliter plutôt que démolir, de réemployer un maximum de matériaux – portes, lavabos, fenêtres… – et de créer un quartier vivant, où cohabitent logements sociaux, intermédiaires, en accession, ainsi que des commerces, un équipement culturel, une école, une crèche, un gymnase », décrit Corinne Martin.
Dans les cours anglaises des bâtiments, quelque 7 500 m2 seront consacrés à l’économie sociale et solidaire, à l’artisanat et à la création.
L’ambition environnementale s’y exprime aussi à travers des dispositifs inédits, comme la gestion complète des eaux pluviales sur site – aucune goutte ne part dans les égouts – ou encore une expérimentation unique à Paris : la collecte séparative des urines à l’échelle de tout le quartier, permettant à la fois d’alléger les stations d’épuration et de produire des fertilisants naturels. « Cela peut sembler anecdotique, mais c’est très structurant. Ce type de solution fait partie de l’écosystème urbain de demain », assure-t-elle.
Dans ce même quartier, le programme LEPAGE propose en outre un modèle d’accession sociale via un bail réel solidaire (BRS), dissociant foncier et bâti pour réduire le coût d’achat. « C’est le premier BRS lancé à Paris. Le terrain est acquis par la foncière de la Ville, et les acquéreurs n’achètent que les murs, avec un encadrement de la revente. C’est une vraie réponse à la crise du logement abordable », souligne Corinne Martin.
Grand Paris Express : une métamorphose urbaine
Parallèlement, le Grand Paris Express, plus grand chantier d’infrastructure en Europe, redessine la carte des mobilités et les contours de la métropole. « Aujourd’hui, l’intégralité des lignes du GPE sont en travaux, avec plus de 170 chantiers actifs et 7 000 personnes mobilisées », détaille la Société des grands projets (SGP).
Plus de 110 kilomètres de tunnels ont déjà été creusés, 90 kilomètres de rails posés, et l’année 2025 marque une étape décisive avec l’intensification des essais techniques sur le matériel roulant, les systèmes automatisés et les équipements de gare. À terme, ce sont 200 kilomètres de nouvelles lignes de métro 100 % automatiques qui viendront mailler le territoire francilien.

Mais au-delà du transport, le GPE est surtout un puissant catalyseur de transformation urbaine. Chaque nouvelle gare devient l’ancrage d’un quartier repensé, dans un rayon de 800 mètres. « Les quartiers de gare représentent un potentiel de transformation de 140 km2, soit une fois et demie la superficie de Paris intramuros », précise la SGP. Logements, bureaux, commerces, équipements publics et espaces verts y seront développés progressivement jusqu’en 2034.
En tout, près de 8 000 logements verront le jour, dont 20 % sociaux et 10 % intermédiaires. « C’est un nouveau modèle urbain qui s’invente : une ville autour de la gare, dense, accessible, durable et multifonctionnelle ».
L’impact est également économique et social. Depuis le début du projet, plus de 6 500 entreprises ont été mobilisées, et des clauses sociales ont permis l’insertion de 5 000 personnes éloignées de l’emploi. La priorité donnée aux PME (au moins 20 % des marchés leur sont réservés) vise à faire du GPE un moteur de développement local, à la fois économique et inclusif.
Vers une ville plus sobre, plus verte, plus juste ?
À Paris comme en grande couronne, ces projets traduisent un basculement vers une ville plus responsable. Réduction de l’emprise automobile, circuits-courts de l’eau, décarbonation de la construction, végétalisation massive, innovation dans les usages… Tout converge vers une nouvelle manière d’habiter et de se déplacer.
« On constate une montée en puissance continue de ces exigences. Sur Clichy-Batignolles, on parlait déjà d’écoquartier, mais la question de la décarbonation des matériaux ou du réemploi n’était pas aussi centrale qu’aujourd’hui », souligne Corinne Martin. « On cherche désormais à éviter au maximum les démolitions, à construire en biosourcé, à limiter le béton », poursuit-elle.
Le Grand Paris Express accompagne aussi cette logique, en favorisant le report modal. « Plus de trois millions de voyageurs sont attendus chaque jour. Cela va désaturer le réseau central, améliorer l’accès aux zones enclavées et réduire la dépendance à la voiture, avec un impact direct sur la qualité de l’air et le climat », explique la SGP.
Ces deux dynamiques, l’une territoriale et l’autre infrastructurelle, se rejoignent dans une vision commune : celle d’une métropole résiliente, mixte, accessible et mieux équilibrée. Là où les anciennes villes s’étendaient par à-coups, au gré des opportunités foncières, la nouvelle fabrique urbaine pense désormais en lien étroit les mobilités, les logements, les ressources naturelles et les usages du quotidien. Gare après gare, quartier après quartier, Paris se transforme.
Propos recueillis par Marie Gérald
Photo de Une : Adobe Stock