Bientôt un béton « auto-cicatrisant » grâce à un champignon ?
« J'ai essayé de comprendre comment ces fissures nocives pouvaient se guérir sans intervention humaine. L'idée a été inspirée à l'origine par la capacité étonnante du corps humain à se guérir des coupures, des ecchymoses et des fractures. Une personne prend des nutriments que le corps utilise pour produire de nouveaux substituts pour guérir les tissus endommagés. De la même manière, pouvons-nous fournir les produits nécessaires au béton pour combler les fissures lorsque des dommages surviennent ? », écrit la chercheuse.
Au vu de l'avancée des travaux menés par l'équipe de Congrui Jin (Guangwen Zhou et David Davies, de l'Université de Binghamton, et Ning Zhang de celle de Rutgers), la réponse à cette dernière question semble positive. Dès le début de leur réflexion, les professionnels mobilisés ont identifié 20 espèces de champignons qui pourraient être intégrés à la composition du béton. Au terme de tests dans des conditions difficiles, il en est un qui se distingue par sa forte résistance : le Trichoderma reesei (ou simplement T. reesei).
Des fissures qui pourraient se réparer d'elles-mêmes
« Nous proposons d'inclure des spores fongiques, ainsi que des nutriments, lors du processus de mélange initial lors de la construction d'une nouvelle structure en béton. Lorsque la fissure inévitable se produit et que l'eau pénètre, les spores fongiques dormantes germent », explique Congrui Jin.« A mesure qu'ils grandissent, ils vont agir comme catalyseur dans les conditions riches en calcium du béton pour favoriser la précipitation des cristaux de carbonate de calcium. Ces dépôts minéraux peuvent combler les fissures », poursuit-elle. « Lorsque les fissures sont complètement calfeutrées et que l'eau ne peut plus pénétrer, les champignons forment de nouveau des spores. Si des fissures se forment de nouveau et que les conditions environnementales deviennent favorables, les spores pourraient se réveiller et répéter le processus. »
Du côté de l'heureux élu, le T. reesei, aucun risque pour la santé. Sa découverte anecdotique durant la Seconde Guerre mondiale soulève cependant un inconvénient, puisqu'il dégradait les équipements en coton de l'armée américaine alors postée dans le Pacifique Sud. Depuis, ce champignon a largement fait ses preuves auprès des chercheurs, qui l'intègrent volontiers à la fabrication de plusieurs enzymes dont la cellulase.
« Notre recherche en est encore à ses débuts et il y a un long chemin à parcourir pour rendre le béton auto-cicatrisant pratique et rentable. Mais la portée des défis de l'infrastructure américaine rend l'exploration de solutions créatives comme celle-ci utile », conclut Congrui Jin, pleine d'optimisme.
F.C
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