Récemment soumit à Lionel Jospin, le projet de réforme de la loi sur l’architecture tourne à l’incendie. Les maîtres d’œuvre, premiers touchés, sonnent l’alarme sur une dérive catastrophique.
« En réduisant les maîtres d’œuvres au rôle de sous collaborateurs des architectes, on tue une profession et on emmène la construction vers une situation catastrophique ». C’est en ces termes que le Président du SYNAMOB, l’un des deux syndicats français des maîtres d’œuvre, à exposé, à Batiweb, les raisons de sa colère et les intentions de son syndicat. « Le projet de réforme de la loi du 3 janvier, 77 que Wanda Diebolt, la Directrice de l’architecture, a soumis à Lionel Jospin, n’a rien à voir avec celui auquel nous avions participé avec les architectes ». Le Secrétaire du Synamob s’explique; « le texte de ce projet impose la présence des architectes à partir de 20 m2 de SHON contre 170 auparavant. Il place les maîtres d’œuvre et les ingénieurs dans un statut aussi secondaire que bloqué. Je ne parlerai pas des conséquences économiques ni des difficultés graves qui attendent les entreprises générales ». Marc Valognes rejoint également les propos récents de Yann Leblay, le Président de Syntec ingénierie « Les 48000 architectes français sont essentiellement des créatifs. Ils sont loin de pouvoir remplacer sur le terrain les compétences et l’expertise des 12 000 maîtres d’œuvres très expérimentés et des 135 000 ingénieurs en activité dans le bâtiment. Selon le rapport du député Malvy sur l’architecture, seuls 5 % des cabinets d’architecte disposent des ressources suffisantes pour assurer des missions complètes, nous sommes loin du compte » Marc Valognes s’insurge sur le fait que « pour satisfaire aux désirs d’une corporation dont le lobbying est puissant, on soit prêt à sacrifier des milliers d’emplois, l’avenir de la construction résidentielle et le travail de milliers d’artisans et d’entreprises ». Les maîtres d’œuvres, aux côtés de nombreux professionnels, mettent aujourd’hui sérieusement en doute les garanties d’environnement et de qualité d’habitat que l’omniprésence des architectes est supposée offrir. Néanmoins, à une époque ou dans l’habitat collectif l’économiste prime de plus en plus souvent sur l’architecte, les responsables politiques pourraient trouver légitime d’offrir à ces derniers l’un des rares marchés où la création peut encore s’exprimer, quels que soient les dégâts collatéraux causés par ce cadeau. En revanche, sans remettre en question les talents des architectes français, beaucoup s’interrogent aujourd’hui sur le caractère nettement liberticide de cette réforme. En effet, si au-delà de 20m2 de SHON l’intervention d’un architecte devient obligatoire, celle d’un architecte d’intérieur pourrait bientôt le devenir lorsqu’un particulier, doté d’un living de plus de 20m2, voudra en refaire la décoration. Dans ces conditions, les architectes paysagers auraient également tort de ne pas réclamer l’obligation de faire appel à eux pour le choix des fleurs dans les jardins des particuliers supérieurs à 20m2. Face à de telles perspectives, les apparentes bonnes intentions de ce projet de réforme prennent la forme d’une poussée de collectivisme kafkaïen aussi arbitraire qu’original. Ainsi, pour lutter contre cette dérive et faire valoir leur place et leur rôle, les maîtres d’œuvre sont bien décidés à faire barrage à la réforme. Selon le secrétaire Général du Synamob, « les présidents des deux syndicats Synamob et Cnamome ont d’ors et déjà entériné les modalités d’une action commune auprès du Premier Ministre Lionel Jospin. Cette action se poursuivra auprès d’autres membres du gouvernement, notamment Mrs Fabius et Gayssot ainsi qu’en direction de beaucoup d’autres élus ». En outre, considérant que l’enjeu dépasse largement celui des simples intérêts de ses membres, le Synamob est bien décidé à tirer le signal d’alarme auprès des médias et du public sur les dangers multiples que ce projet de réforme recèle. Force est de constater, qu’avant même d’exister, le réaménagement de la loi de 77 donne déjà naissance, là où elle n’existait pas, à une brutale scission entre deux professions aussi vitales l’une que l’autre.