Les effets pervers du contrat type de syndic de copropriété
« Les copropriétaires ne doivent pas faire les frais du nouveau contrat de syndic ». Cette phrase de Rachid Laaraj, fondateur de Syneval courtier en syndic, résume tout l'enjeu de la mise en place du nouveau contrat type de syndic de copropriétés.
Prévu dans le cadre de la loi Alur, ce contrat et sa liste limitative des prestations particulières viennent d'entrer en vigueur ce 1er juillet sous l'entière approbation de Christiane Taubira, ministre de la Justice, et de Sylvia Pinel, ministre du Logement.
Il a été mis en place afin « de clarifier et de simplifier les relations entre les syndics et les copropriétaires. Il précise notamment les prestations relevant du forfait et les prestations particulières pouvant donner lieu à une rémunération spécifique complémentaire », rappellent les deux ministres dans un communiqué commun.
« Les contrats de syndic sont ainsi en mesure d’être plus facilement comparés entre eux, avant leur souscription. La décision du syndicat de copropriétaires peut ainsi être prise en pleine connaissance de cause », ajoutent-elles.
Une comparaison difficile
Cependant, certains professionnels relèvent déjà les failles du texte. « D’abord, la densité imposée par le contrat-type ne permet pas de détecter du premier coup d’œil si un contrat donné est conforme au décret ou non », explique Rachid Laaraj, fondateur de Syneval.
« Par ailleurs, certaines prestations obligatoirement contenues dans le forfait restent à géométrie variable car modulables en fonction des besoins de chaque copropriété. Or, si le conseil syndical - chargé par la loi de la délicate mission de mise en concurrence - n’établit pas un cahier des charges (…) les différents syndics consultés vont répondre sur des horaires et fréquences de prestations différents, rendant la comparaison impossible », détaille-t-il.
Une flambée des honoraires
Autre effet pervers : une envolée des honoraires des professionnels. « Depuis l’entrée en vigueur de la loi Alur, les syndics professionnels ont entamé une campagne d’augmentation successive de leurs honoraires en invoquant plusieurs arguties (obligation de compte bancaire séparé, établissement du pré-état daté, immatriculation des copropriétés, extranet…) », prévenait déjà Emile Hagege, directeur général de l'Association des responsables de copropriété (ARC) en avril dernier.
Cette « première vague » aurait entraîné chez certaines cabinet une hausse allant jusqu'à 50 % de leurs honoraires, en un an, relève l'ARC qui craint une nouvelle hausse avec l'entrée en vigueur du texte.
« Cela risque d’être d’autant plus difficile à contrôler que les syndics affirmeront que ces nouvelles augmentations sont justifiées, compte tenu des tâches qui sont désormais incluses dans le "forfait de base" », souligne l'ARC.
Des prestations particulières exorbitantes
Quant aux prestations particulières dont la facturation en sus du forfait reste autorisée, elle semble donner lieu à une tarification parfois extravagante : « Nous constatons des états datés facturés jusqu’à 800 euros au vendeur d’un lot alors que 400 euros TTC est déjà cher payé. Ou encore, des mises en demeure, soit un courrier-type envoyé en recommandé, à 200 euros alors que 30 euros devrait être un maximum », relève Rachid Laaraj.
Enfin, certains syndics n’hésitent pas à invoquer des obligations qui n’entreront parfois en vigueur que d’ici plusieurs années pour justifier une flambée immédiate de leurs honoraires. Par exemple, la fiche synthétique d’immeuble, établie par les soins du syndic, ne deviendra obligatoire qu’entre début 2017 et fin 2018.
Les contrôles très attendus
« Faute d’être assez armées pour dialoguer d’égal à égal avec le syndic, certaines copropriétés risquent donc de faire les frais d’une loi dont l’intention était pourtant de préserver leurs intérêts », affirme Rachid Laaraj.
L'ARC est déjà passé à l'action en épinglant les dispositions abusives des contrats de deux cabinets. Selon l'association, la situation « justifie une mise en place rapide de la commission de contrôle ».
En avril dernier, l'Union des syndicats de l'immobilier (Udis) et le Conseil nation de la transaction et de la gestion immobilières dénonçaient pour leur part le caractère prématuré de la mise en place de ce dispositif. Selon un rapport émis par le CNTGI, un délai de six mois aurait été nécessaire pour l'application du contrat de syndic.