Le meilleur de la faillite

La défaillance de l’entreprise et de son dirigeant reste en effet en France un sujet très difficile. Au-delà de ses aspects techniques, elle possède une dimension culturelle propre à chaque état. Par exemple, alors qu’outre Atlantique la défaillance, nullement rédhibitoire, est considérée comme une mauvaise expérience sur laquelle un entrepreneur peut rebondir pour mieux réussir, la France pour sa part continue d’en faire une maladie honteuse ou le chef d’entreprise est quasi systématiquement considéré, en particulier par les intervenants financiers, comme coupable d’un délit de droit commun. Une arrière-pensée qui n’a jamais favorisée l’émergence de dispositions préventives adaptées aux redressements. Le résultat se traduit ainsi chaque année par la disparition de 40 à 50 000 entreprises, dont une très grande partie, passé l’incident de parcours, se serait certainement révélée parfaitement viable. Une hécatombe économique et sociale convenue qui satisfait encore certains acteurs mais que la société accepte de moins en moins.
C’est cela que les législateurs vont cet automne tenter de changer. Leur premier chantier va en priorité porter sur la prévention. Deux dispositions sont ainsi à l’étude. La première, «la conciliation», devrait permettre au chef d’entreprise, dès l’apparition des difficultés ou de l’état de cessation de paiement, de faire appel à un mandataire judiciaire afin de l’aider à trouver un accord avec les créanciers. Il s’agit d’un dispositif amiable où le dirigeant garde les rennes de l’entreprise. Si un accord est conclu il sera homologuée par le tribunal afin de ne pas être remis en cause. Si malgré tout l’entreprise dépose son bilan, les créanciers ayant participé à ce tour de table seront alors privilégiés.
Le deuxième dispositif dit de, « sauvegarde» est un peu un retour à une ancienne recette, en vigueur jusqu’au début des années 70. Cette procédure permet en effet d’autoriser tout débiteur à se placer sous la protection du tribunal dès l’apparition de ses difficultés. Cette protection ouvre une période d’observation accompagnée d’une suspension provisoire des poursuites. Elle prévoit l’élaboration d’un bilan économique, social et patrimonial de l’entreprise. Celui-ci conditionne un plan de sauvegarde et de réorganisation. C’est une étape intermédiaire qui en fait à pour objet de préparer la mise en oeuvre d’un plan de redressement viable, dans un environnement plus serein et confidentiel. Cette procédure ne suspend pas les poursuites individuelles mais le dirigeant reste à la tête de l’entreprise. Il sera cependant encadré. La procédure implique en effet la nomination d’un représentant des créanciers et d’un administrateur judiciaire. La «sauvegarde» peut être enclenchée également sur la demande d’un ou plusieurs créanciers voire du parquet.
Le Parlement étudie également plusieurs réformes de fond. Il envisage par exemple la création de comités catégoriels de créanciers ou les banques et les établissements de crédits seront séparés des fournisseurs. Chacun étant pour sa part associés au plan avant les décisions du tribunal. Autre point non négligeable, les cautions (le plus souvent les dirigeants) pourraient se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde voire de redressement. Cette disposition à pour but d’inciter les dirigeant à se rendre au tribunal avant la ligne de non retour.
Mais ce ne sont là que quelques unes des réformes qui devraient cet automne être adoptées. Le travail conjoint du Parlement et du Sénat devrait en effet aller bien au-delà de la simple prévention. Les acteurs politiques ont en effet pris conscience que le sauvetage de quelques milliers d’emplois, sacrifiés jusque là dans une procédure désuète née sous les trente glorieuses, viendrait à point pour compenser ceux générés par les délocalisations industrielles.