Procès pour intoxication au plomb à Versailles : jusqu'à 15 mois de prison requis
![Procès pour intoxication au plomb à Versailles : jusqu'à 15 mois de prison requis - Batiweb](https://img.batiweb.com/repo-images/article/45943/chateau_versailles.jpg)
Un procès pour une intoxication au plomb au château de Versailles datant de 2009 s’est ouvert au tribunal correctionnel le 10 février.
Le premier jour du procès, les victimes ont expliqué qu’elles n’avaient pas été averties de la présence de plomb et n’avait reçu aucun équipement pour se protéger. Cinq ouvriers avaient inhalé des poussières chargées de plomb, ayant eu des conséquences importantes sur leur santé.
Au deuxième jour du procès, les prévenus poursuivis pour blessures involontaires et mise en danger d’autrui ont tous cherché à minimiser leurs responsabilités.
Pour rappel, quatre entreprises et six personnes sont mises en cause dans cette affaire.
« Tout le monde se renvoie la balle », avait regretté la procureure de la République.
La présence de plomb, une évidence pour tous ?
Le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre ont affirmé avoir mentionné la présence de plomb dans les documents relatifs à la préparation du chantier. Les entreprises intervenant sur le chantier devaient donc prendre en compte ce risque et mettre en œuvre des mesures de protection pour leurs salariés.
D’après Frédéric Didier, l'architecte en chef des monuments historiques en charge de concevoir et d'organiser le chantier, la présence de plomb était bien mentionnée dans le plan général de coordination, qui définit les mesures à mettre en œuvre pour prévenir les risques sur un chantier.
Selon l’architecte, personne ne pouvait ignorer qu’il y avait du plomb dans ce chantier de restauration. L’opéra royal n’avait pas été rénové depuis 1870, or « les peintures au plomb étaient utilisées jusqu’au début du 20ème siècle », a souligné Frédéric Didier.
Pour l'opérateur du patrimoine et projets immobiliers de la culture (OPPIC), si l’information n’a pas été transmise, cela relève de la responsabilité du coordinateur chargé de la sécurité sur le chantier.
Mais pour François Asselin – PDG de la société Asselin qui intervenait sur le chantier – l’entreprise n’avait pas été suffisamment et précisément informée de la présence de plomb. Selon lui, les documents fournis ne permettaient pas d’évaluer correctement les risques.
« Il y a eu une négligence de l'ensemble de la chaîne de compétences, y compris nous », a toutefois reconnu M. Asselin.
Jusqu'à 15 mois de prison avec sursis et 150 000 euros d'amende requis
Au dernier jour du procès, le parquet de Versailles a requis des peines allant jusqu’à 15 mois de prison avec sursis et 150 000 euros d'amende.
Dans le détail, 15 mois de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende ont été requis à l’encontre de François Asselin.
L’entreprise Asselin – jugée comme personne morale – et qui employait les cinq victimes, risque pour sa part 150 000 euros d’amende.
« Ce sont pour moi les acteurs principaux de ce drame », a estimé la procureure de la République dans son réquisitoire, qui a commencé par des excuses pour la durée de cette procédure, alors que cinq juges d'instruction se sont succédé depuis plus de 15 ans.
François Asselin et son entreprise n’ont pas été tenus pour seuls responsables dans cette affaire. Selon la procureure, « tout le monde sait qu'il y a du plomb au château de Versailles, ça a été dit et redit, personne ne pouvait l'ignorer parmi les responsables », a-t-elle estimé, reprochant aux prévenus d’être « dans un déni de responsabilité ».
L'architecte en chef des monuments historiques en charge du château encourt quant à lui 3 mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende.
50 000 euros d’amende ont également été requis contre l'opérateur du patrimoine et projets immobiliers de la culture (OPPIC),
« Ce n'est pas tant le procès d'un système mais d'un état d'esprit d'une société qui fait passer l'or avant le plomb, et le profit avant toute considération liée à la vie humaine », a estimé Me Jean-Jacques Neuer, conseil de deux ouvriers.
La défense a pour sa part plaidé la relaxe.
Claire Lemonnier (avec AFP)
Photo de une : Adobe Stock