À Marseille, un marchand de sommeil encourt jusqu’à quatre ans de prison
Un mois et demi après la fin du procès retentissant des effondrements meurtriers en 2018 de deux immeubles de la rue d’Aubagne à Marseille, le tribunal correctionnel de Marseille voit désormais comparaître Abdelmajid Bensaïd, 47 ans. L’homme est accusé d’avoir « soumis des personnes vulnérables à des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine ».
M. Bensaïd, qui se définit comme « entrepreneur », possédait 29 studios dans l’immeuble Gyptis, « une des copropriétés les plus dégradées de Marseille, et de fait, une des plus dégradées de France », selon le procureur.
L’insalubrité plutôt que la violence de la rue
Entre mars 2022 et février 2023, alors que l’immeuble faisait l’objet d’un arrêté de péril impliquant la suspension des loyers, l’accusé a continué à faire payer ses locataires pour vivre dans ce « bidonville à la verticale », infesté de rats et de cafards, en proie aux fuites d’eau et au trafic de drogue.
« Le matin, tu te réveilles, tu vois les tâches de sang », a témoigné un ancien locataire. Les photos prises par les enquêteurs montrent des murs couverts de moisissures, des surfaces inondées et des inscriptions « SHITE COK » taguées en rouge dans le hall.
« Je n’arrive pas à oublier mon enfant », a témoigné à son tour Assia. De nationalité algérienne, cette femme a vécu trois ans et demi dans le bâtiment. En 2021, enceinte de cinq mois, elle fait une fausse couche quelques jours après un incendie dans l’appartement voisin. Presque tous les anciens locataires sont alors des étrangers en situation irrégulière.
Payer pour des logements qui n’en sont pas
Les victimes versaient en moyenne 400 euros de loyer mensuel au propriétaire, ancien responsable chez McDonald, qui explique avoir investi ses indemnités de départ pour acheter les studios, en moyenne 12 000 euros chacun. Il a assuré avoir voulu « aider », se disant « victime de sa gentillesse ».
Son avocate, estimant que « ce procès est l’illustration de l’hypocrisie du système » autour du mal-logement, a demandé au tribunal de prononcer une peine plus légère.
Kaouther Ben Mohamed, présidente de l’association Marseille en colère, qui lutte contre l’habitat insalubre et était partie civile, a dénoncé à la barre « des marchands de misère », profitant de personnes qui « pour se mettre à l’abri de la violence de la rue, paient des loyers pour des habitations qui n’en sont pas ». La décision de ce procès a été mise en délibéré au 3 mars prochain.
Marseille, deuxième ville de France, compte 40 000 logements insalubres, soit 10 % de son parc immobilier. Depuis 2018, 925 immeubles ont été évacués.
Jérémy Leduc (avec AFP)
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