La qualité du parti pris architectural de cette tour en spirale de 160 mètres de haut se détachant sur les rives majestueuses du Rhin a emporté l'adhésion des édiles helvétiques. Il est vrai que le projet est dû au crayon des architectes bâlois Herzog-De Meuron qui, dans la foulée du stade olympique de Pékin, trouvent dans leur pré carré un nouveau chantier à leur mesure.

Les lauréats du Pritzker 2001 ont privilégié une identité visuelle forte pour cet immeuble torse et asymétrique, dont la silhouette, mouvante selon les angles de vue, constituerait avec ses deux spirales entrelacées une métaphore des brins d'ADN. Le travail de recherche sur les revêtements - une des marques de fabrique de l'agence - et un aménagement intérieur en cellules lumineuses compléteront le profil de ces 75.000 m2 de bureaux destinés à accueillir 2.400 employés à l'horizon de 2011.

Simultanément, la ville de Bâle fait l'objet d'une nouvelle opération de mutation urbaine, également liée à l'industrie pharmaceutique, avec la création d'un véritable campus industriel et scientifique par l'autre grande multinationale suisse du secteur, le groupe Novartis.

La firme a décidé de transformer son site historique où travaillent 8.000 personnes (et où elle a créé 1.000 emplois au cours des dernières années), implanté lui aussi sur les rives du Rhin. Elle a chargé l'urbaniste italien Vittorio Magnago Lampugnani de la conception de l'ensemble, sur un site de 200.000 m2 agrandi par des emprises cédées par la ville. La restructuration, qui s'étalera sur trois décennies, inclut aussi l'édification d'immeubles contemporains pour lesquels Novartis fait appel à des signatures de référence comme Frank Gehry, qui livre cette année un des édifices tourmentés dont il est coutumier.

A cette occasion, le canton redéploie son ancien port fluvial Sant Johann sur deux sites distincts et dans le prolongement du campus, ce qui suscite une vaste opération d'urbanisme mixte (logements, bureaux, commerces ) baptisée « Provolta ». « Nous conservons un espace de rive fluviale qui sera aménagé en promenade paysagée pour la population », précise Ralph Lewin, conseiller du ministre chargé du Développement économique et des Affaires sociales du canton de Bâle-ville.

Autre événement de cette fièvre bâtisseuse : un projet ambitieux de recomposition de la Foire-exposition qui accueille des manifestations internationales aussi réputées que l'Art Basel ou le Salon mondial de l'horlogerie.

Egalement confiée au tandem Herzog-De Meuron, la nouvelle version du Messezentrum s'articulera autour d'un bâtiment central de 250 mètres de long distribué sur trois niveaux doublé d'un « city lounge », espace multifonctionnel destiné à accueillir les événements qui ponctuent la vie économique bâloise. Ce projet, qui engage une enveloppe de 260 millions d'euros associant financements publics et privés, semble avoir conquis les faveurs de la population du canton qui l'a approuvé à 60 % début juin. En effet, spécificité helvétique, les opérations d'envergure même adoptées par les autorités locales peuvent ici être remises en question dans le cadre d'un référendum d'initiative citoyenne. Ce fut le cas, il y a deux ans, pour la restructuration du Stadt Casino (salle de concert) de la ville qui avait fait l'objet d'un dessin jugé trop hardi de l'architecte anglo-irakienne Zaha Hadid.

Parallèlement, Bâle fait porter un effort particulier sur la construction de logements en dépit d'un réel manque de terrains dans un périmètre urbain de 37 km2. « Nous nous sommes fixé un programme décennal de 5.000 logements nouveaux accompagnés d'un programme de réhabilitation », précise-t-on à l'hôtel de ville. Pour ce faire, les friches mobilisées comme l'ancienne gare de marchandises Erlenmatt où seront édifiés 700 logements et des bureaux. L'accent est mis sur les économies d'énergie et l'utilisation de nouveaux matériaux de construction. Bâle participe activement en effet au programme national 2.000 watts, qui vise à diminuer d'un tiers la consommation annuelle énergétique de chaque citoyen suisse.

Les infrastructures de communication qui augmentent la force d'attraction d'une ville où l'on dénombre 150 nationalités et où viennent travailler chaque jour 30.000 transfrontaliers font aussi l'objet de grandes manoeuvres. L'arrivée récente du TGV qui la met désormais à trois heures et demie de Paris, la construction de la tangente nord, bretelle autoroutière en partie souterraine - un énorme chantier qui s'achève cette année - participent de cet effort. Alors que l'aéroport transnational de Bâle-Mulhouse-Fribourg régulièrement étendu sera doté d'une liaison ferroviaire à l'horizon de 2010.

Pour conforter ses vocations économiques, le canton n'hésite pas à investir dans l'enseignement et la recherche. « L'installation récente d'un centre de recherche en biologie systémique constitue la base d'un futur campus universitaire consacré aux sciences de la vie », annonce également Ralph Lewin. Depuis janvier 2007, l'Eurodistrict trinational de Bâle réunit 830.000 habitants regroupant les agglomérations de Bâle, Saint-Louis en France et Lörrach en Allemagne, avec des compétences communes en matière de transport, d'énergie et d'environnement.

Pour marquer cette nouvelle dynamique européenne, Bâle a décidé de prolonger symboliquement l'aménagement paysager des rives du Rhin jusqu'au pont des trois frontières reliant Allemagne, France et Suisse.