ConnexionS'abonner
Fermer

Pékin face à la crise de l'eau

Publié le 31 juillet 2008

Partager : 

Pékin, la capitale chinoise, et l'une des municipalités au développement le plus rapide de Chine, vient à manquer d'eau. Bien que 200 rivières et ruisseaux soient toujours visibles sur les cartes officielles de la ville, très peu d'eau y coule en réalité. Les sources de Pékin, célèbres pour leur eau de qualité, ont disparues. Des dizaines de réservoirs construits depuis les années 1950 ont séché. Trouver une source d'eau propre n'importe où en ville est désormais mission impossible. Un rapport accablant baptisé "Beijing's Water Crisis 1949-2008" fait le point sur la situation et propose des solutions.
Pas plus tard qu'il y a trente ans, les résidents de Pékin voyaient l'eau souterraine comme une ressource inépuisable. Aujourd'hui, les hydro-géologues avertissent que la ville vient à en manquer. "Les nappes phréatiques sous le sol de Pékin s'assèchent, l'eau est pompée plus vite qu'elle ne peut être ré-alimentée, et de plus en plus d'eau souterraine devient polluée", note l'auteur du rapport, l'organisme Probe International Beijing Group, un groupe d'enquête sur la situation écologique de Pékin, qui profite des jeux olympiques pour tirer la sonnette d'alarme.

Aujourd'hui, plus de deux-tiers des ressources en eau de la municipalité de Pékin viennent des sous-sols. Le reste est de l'eau de surface provenant des réservoirs et des rivières de Pékin, qui ne font que s'amenuiser. Selon le groupe, "les deux plus importants réservoirs, Miyun et Guanting, ne contiennent déjà plus que 10% de leur capacité de stockage initiale. Guanting est tellement pollué qu'il n'a pas été utilisé comme source d'eau potable depuis 1997".

Les données officielles indiquent qu'à Pékin, la croissance démographique, le développement industriel et l'extension des terres cultivées irriguées ont engendré une consommation d'eau de plus en plus importante depuis 1949. Entre-temps, 25 années de sécheresse et de pollution des réservoirs de la ville ont contribué au déclin progressif des ressources en eau par habitant, d'environ 1.000 mètres cubes en 1949 à moins de 230 m3 par personne en 2007.

Politiques à courts termes

Mais pour Probe International, la sécheresse et la croissance ne sont pas les seuls facteurs à l'origine de cette crise. Selon eux, "les politiques à courts termes entreprises depuis 50 ans ont dégradé les réserves en eau de la ville et ont promu la sur-consommation de ressources pourtant limitées. En particulier, l'idée fixe de monter des projets d'ingénierie de grande échelle pour permettre aux robinets de couler à flot à bas prix a eu pour effet de séparer la consommation de ses conséquences sans un signal fort de prix indiquant la rareté de l'eau".

La politique de Pékin de maintenir des provisions en eau à bas prix pour le consommateur – alors que ses rivières et réservoirs s'asséchaient – a eu des conséquences désastreuses pour les fermiers tout en encourageant le gaspillage de la part des industriels et des particuliers. Ces cinq dernières années, le Conseil d'Etat et les autorités pékinoises ont annoncé plusieurs mesures visant à garantir une offre d'eau adaptée aux jeux olympiques de 2008 et au-delà.

Ces mesures incluent des transferts depuis des réservoirs de la province du Hebei. Mais aussi des restrictions dans l'utilisation de l'eau de cette même province afin d'accroître le flot d'eau jusqu'à Pékin. Est enfin prévue l'extraction d'eau souterraine dans les gisements de karst à 1.000 mètres de profondeur dans les districts en périphérie de Pékin. Même s'il reconnaît que "de telles mesures devraient être des solutions d'urgence pour soulager le manque d'eau de la ville et évacuer ses voie d'eaux polluées", Probe ne voit pas là "une solution fondamentale".

Incitations économiques

Selon lui, le détournement de l'eau à de longues distances est excessivement coûteux et néfaste pour l'environnement. "A chaque nouveau projet de prélever de l'eau ailleurs, la demande ne fait que s'accroître, et ce à un prix encore plus fort pour l'environnement et l'économie de la Chine. Cela revient à vouloir étancher sa soif en buvant du poison".

Une solution serait plutôt d'infléchir la demande, en améliorant l'offre et la consommation d'eau, grâce aux lois et aux incitations économiques. Ce qui impliquerait de renforcer les lois existantes encadrant l'utilisation de l'eau. Mais également de facturer l'eau à son coût réel afin d'inciter à une utilisation raisonnée. Ou encore un système à l'anglo-saxonne de bonus et malus ou de droit à l'eau échangeable et monnayable. Un problème sur lequel Pékin, comme le reste du monde, ne peut désormais plus fermer les yeux. Et auquel il va falloir trouver des solutions efficaces dans un avenir très proche.

Laurent Perrin

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.