Des bonnes pratiques pour limiter l’utilisation de l’eau dans le bâtiment
Initié en 2009, ce consortium méditerranéen indépendant vient en effet de mener un diagnostic sur la gestion de l’eau dans le bâtiment, dont les résultats prennent la forme d’un « livre vert » et d’une place de marché destinée aux professionnels des filières eau et bâtiment. Rencontre avec Franck Araujo, directeur du projet InsMed, et chef du service innovation à la CCI Marseille Provence.
Batiweb : Comment est née l’idée du projet InsMed ?
Le déclic s’est produit en 2008, lorsque la ville de Barcelone, victime de la sècheresse, a fait acheminer des supertankers d’eau puisée dans la Durance. Nous avons alors compris qu’il fallait mieux gérer cette ressource rare et précieuse autour de la méditerranée. Or la consommation domestique représente un quart de la consommation (ndr : derrière l’agriculture, qui représente 50%), dont seul 1% est bue ! La quasi-totalité est donc en lien avec le bâtiment et nos usages quotidiens.
Vous distinguez donc l’eau utilisée par les usagers d’un bâtiment de celle nécessaire à sa construction ?
Oui, et nous allons plus loin. Il y a en réalité quatre étapes dans la vie d’un bâtiment (hormis sa déconstruction que nous avons décidé de ne pas traiter pour le moment). D’abord la phase de conception, puis la construction, et enfin l’usage et la maintenance. A chaque étape correspondent des acteurs différents, que nous souhaitons sensibiliser aux économies d’eau. A chaque étape, il s’agit de respecter trois principes : limiter les besoins en eau, améliorer l’efficacité des équipements, et chercher systématiquement des voies de substitution.
Concrètement, quelles sont les principales bonnes pratiques applicables aux chantiers ?
Songez que 42% de l’eau utilisée sur un chantier est gaspillée, notamment lors du nettoyage des véhicules et du matériel. On peut donc chercher des ressources locales d’eau non potable, ou mettre en œuvre des systèmes de filtration/décantation pour la réutiliser, ou encore installer des récupérateurs d’eau de pluie temporaires. Mais la phase de conception est probablement la plus importante, car c’est à ce moment là que l’on décide du reste. Il faut par exemple prévoir en amont les besoins en maintenance des réseaux, d’une part en facilitant les accès futurs aux équipements, et d’autre part en installant des systèmes permettant de suivre les consommations des principaux postes, via des compteurs d’eau dédiés et intelligents. Et bien sûr, il faut choisir des équipements modernes, économes en eau, qui bien que plus onéreux, sont rentables à long terme.
Justement, les faibles retours sur investissement ne sont-ils pas le principal frein à votre démarche ?
Tout a fait. On pourrait presque dire que l’eau n’est pas assez chère ! Plus sérieusement, il est exact que les enjeux financiers sont relativement faibles, ce qui ne pousse pas la filière bâtiment à se pencher naturellement sur le problème. Mais à la différence des énergies fossiles, nous n’avons pas d’alternatives à l’eau ! La réduction de la consommation individuelle est donc incontournable. Heureusement certains acteurs se sentent concernés, nous avons ainsi déjà 300 adhérents à notre place de marché en ligne.
En quoi consiste cette place de marché ?
Pour l’instant elle contient essentiellement une plate-forme collaborative permettant la mise en relation des différents métiers concernés. On y trouve les représentant de toute la chaîne de valeur, des chercheurs aux utilisateurs, en passant par les opérateurs des réseaux, les fournisseurs de technologie, les financiers, etc…. A l’avenir, nous allons enrichir la place de marché avec des appels d’offres et une bibliothèque. J’en profite pour lancer un appel aux architectes, aux bureaux d’étude, aux assureurs, et aux financiers, qui sont encore trop peu nombreux. De même, les grands groupes ne représentent que 10% des membres, alors qu’ils ont toute leur place sur notre plate-forme, où ils pourront rencontrer des start-up très innovantes.
Quelles sont les innovations de ces jeunes entreprises ?
Elle sont nombreuses… citons par exemple Ax’eau, très performante dans la détection de fuites et le diagnostic de réseaux. Ou encore Eco-H20, qui propose un avertisseur de fuite ultra-sensible ainsi qu’une « box » permettant de suivre et contrôler toutes les consommation de la maison, l’eau bien sûr mais aussi le gaz et l’électricité. Un mélange intéressant car la population est déjà bien sensibilisée sur les économies d’énergie.
Eau et énergie, même combat ?
Et pourquoi pas ? En tout cas, nous menons des actions de lobbying pour intégrer l’eau aux différents labels énergétiques, à commencer par le BBC, ou encore pour adopter « l’échelle eau » imaginée par nos amis portugais sur le modèle de l’étiquette énergie du DPE.
Propos recueillis par Olivier Barrellier