Coup d'envoi des négociations européennes sur le climat
Les ministres de l'Environnement des Vingt-Sept se sont réunis dans le domaine de Saint-Cloud pour la première rencontre de la présidence française de l'Union européenne avant de céder la place aujourd'hui, vendredi aux ministres de l'Energie sur le même sujet.
L'UE doit aller vite en besogne et veut conclure un accord européen avant la fin de l'année afin d'être en position de force pour aborder la négociation internationale qui s'ouvrira fin 2009 à Cophenhague sur l'après-protocole de Kyoto. Les efforts prévus dans le cadre de cet instrument, qui expire en 2012 et dont les Etats-Unis ne font pas partie, doivent être redoublés et l'Union européenne entend clairement donner l'exemple pour entraîner les autres grands pollueurs.
Mais le partage du fardeau et le mécanisme font débat.
TAXATION AUX FRONTIÈRES?
La Commission a proposé un mécanisme européen d'échange de permis de polluer (ETS) qui se basera sur les secteurs industriels afin d'éviter les distorsions et à terme toutes les industries devront acheter aux enchères 100% de leur CO2. Cette mise aux enchères des droits à polluer permettra de récolter quelque 55 milliards d'euros par an qui pourraient être utilisés en partie pour financer les demandes de nouveaux pays de l'Est pour mettre leur appareil productif à niveau.
Mais que faire de certains secteurs dévoreurs d'énergie, comme l'acier ou les raffineries, qui risquent d'être laminées par la concurrence de pays moins vertueux? Des pays peu soucieux de l'environnement qui refuseraient après 2013 de faire des efforts pourraient en effet bénéficier de ce phénomène de "fuite carbone" en se montrant laxistes.
Deux options sont à l'étude: soit accorder des quotas "gratuits" aux industries gourmandes en énergie, soit introduire un système de taxation aux frontières des produits "sales".
L'Allemagne a rejeté jeudi cette dernière idée et, comme de nombreux pays, préfère l'option des quotas gratuits. "Nous jugeons cet instrument inapproprié parce qu'il créerait une guerre commerciale", a estimé le ministre allemand de l'Environnement, Sigmar Gabriel. "Cela n'aiderait pas les entreprises européennes qui sont actives sur le marché mondial. Cela n'aiderait pas de punir les entreprises concurrentes."
BIOCARBURANTS CONTESTÉS
De source française, on insiste sur le fait qu'Angela Merkel a bien accepté lors de sa réunion informelle avec Nicolas Sarkozy, le 9 juin dernier à Straubing, de mener une étude sur les deux options en parallèle, sans préjuger du résultat. "S'il n'y a pas de mécanisme crédible qui empêche la fuite carbone, il y a risque de délocalisation vers les pays peu vertueux qui sortiraient gagnants en ne s'associant pas à la discipline", explique un diplomate. "C'est la raison pour laquelle les Etats-Unis n'ont jamais ratifié Kyoto."
Selon lui, il faut que l'UE montre qu'elle fera quelque chose en cas de problème et le mécanisme final sera sans doute un mélange de quotas gratuits et de taxation aux frontières. Les objectifs en matière d'énergie renouvelable provoquent également des grincements de dents dans plusieurs capitales.
Certains pays peu gâtés par la nature se demandent comment ils vont arriver à l'objectif européen d'utiliser au moins 20% d'énergies renouvelables provenant de sources comme l'éolien, le solaire ou la biomasse, contre 8,5% aujourd'hui. Pour contourner l'obstacle, ils pourraient acheter des certificats d'énergie renouvelable produite ailleurs, mais ce système suscite aussi des divergences entre les Vingt-Sept.
L'Allemagne ne veut pas voir son énergie "verte" subventionnée achetée au prix du marché par le Luxembourg. Une autre question tient à l'objectif de 10% d'incorporation de biocarburants, dont le bilan écologique est contesté et l'issue de ce débat, qui monte en puissance, est incertain.
La secrétaire d'Etat française chargée de l'Ecologie, Nathalie Kocuisko-Morizet a déclaré cette semaine que cet objectif constituait "sans doute une erreur" et qu'il faudra peut-être réviser l'objectif à la baisse.