USA: La remontée des taux obligataires menace la consommation
"Aussi bien les marchés que les agents économiques sont plus pessimistes vis-à-vis des perspectives d'inflation aux Etats-Unis", remarquent à cet égard René Defossez et Nordine Naam, de la banque Ixis. A la hausse de l'inflation, devraient logiquement répondre de nouveaux relèvements des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine. Malgré douze hausses consécutives, la Fed continue à marteler sa détermination à garantir la stabilité des prix.
Les analystes d'Ixis considèrent comme "non négligeable" la probabilité d'une hausse des taux jusqu'à 4,75%. Les obligations actuellement en circulation se retrouveraient dans un tel cas moins avantageuses que celles prochainement émises à un taux plus élevé. Pour les analystes d'Ixis, le rendement du bon 10 ans devrait ainsi continuer à croître et "le plus haut de mai 2004 (4,90%) pourrait être atteint dans un délai relativement court". Comme le taux de rendement du bon du Trésor à 10 ans sert de référence pour le calcul des taux des prêts hypothécaires aux Etats-Unis, les économistes s'inquiètent de l'impact sur un marché immobilier qui montre déjà des signes de ralentissement. A Manhattan par exemple, le prix médian des appartements a reculé de 3% entre le deuxième et le troisième trimestre et, au niveau national, la hausse des prix se ralentit. En renchérissant le coût de l'emprunt, le bond des taux d'intérêt à long terme risque de dissuader de potentiels acheteurs et d'accentuer le mouvement de ralentissement du marché. "La Fed ne doit pas être malheureuse de voir le marché immobilier ralentir", remarque à ce titre Nordine Naam. Cette dernière est en effet accusée d'avoir créé une bulle immobilière en maintenant des taux très bas jusqu'à la mi-2003.
Mais les conséquences pourraient aussi se faire sentir sur la consommation des ménages, un des principaux moteurs de la croissance économique américaine. "Le danger est que des taux de prêts hypothécaires plus élevés creusent une brèche dans la puissance de consommation américaine", relèvent Bijal Shah et Dhaval Joshi, de la Société Générale. Le boom immobilier de la fin des années 90 a en effet permis aux ménages d'augmenter leurs emprunts hypothécaires de la valeur prise par leur habitation. Avec le ralentissement du marché immobilier, cette source de revenu supplémentaire pourrait bien se volatiliser. Vivant largement à crédit, les Américains ont aussi pris l'habitude d'utiliser la possibilité qui leur est offerte de renégocier leur emprunt immobilier à la baisse lorsque les taux diminuent. Cela leur permet d'emprunter plus pour dépenser plus. Avec des taux qui grimpent, "l'incitation à emprunter a disparu", remarquent les analystes de la Société Générale.
Si la flambée des prix du pétrole est généralement invoquée comme le principal danger pour l'économie américaine, c'est "la hausse des taux obligataires (qui) pourrait porter le germe d'un ralentissement (économique)", estime David Gilmore, de FX Analytics.