Marbella, scandale de corruption des pouvoirs publics inédit en Espagne
Elle implique également le chef de la police municipale, Rafael Del Pozo, placé mercredi en liberté sous caution (20.000 euros). Selon des sources judiciaires, le juge lui reproche des délits d'omission de poursuite, en violation de son devoir, de recel, trafic d'influences et de détention illicite d'armes.
Les biens saisis dans l'opération baptisée "Malaya" atteignent les 2,4 milliards d'euros, et se déclinent en villas, voitures de luxe, calèches, taureaux de combats, pur-sangs, toiles de maîtres... La police a trouvé au domicile de la maire adjointe, Isabel Garcia Marcos, ancienne passionaria anticorruption, la somme de 360.000 euros en liquide, et a bloqué un millier de comptes bancaires.
Pendant ce temps, la mairie de Marbella est en "faillite technique", selon le Tribunal des Comptes, et doit entre autres 86 millions d'euros à la sécurité sociale. La nouvelle a connu une énorme répercussion en Espagne, à la mesure de la notoriété sulfureuse de Marbella. Le conseil des ministres s'est réuni de façon extraordinaire mardi et a engagé la dissolution du conseil municipal, entrée formellement en vigueur vendredi après avis du Sénat.
La décision, une première historique en Espagne, se fonde sur une loi permettant d'agir contre une collectivité locale dont "la gestion serait gravement nuisible à l'intérêt général et qui supposerait la violation de ses obligations constitutionnelles".
D'ici aux prochaines élections municipales, le 27 mai 2007, Marbella sera gérée par un conseil de gestion désigné par les autorités régionales. Mais "le travail le plus dur" reste à faire, a averti le procureur anticorruption Antonio Salinas. "Nous venons juste de commencer et il faut examiner et croiser les comptes, scruter les sociétés, voir comment elles se sont financées...", a-t-il dit.
D'autres interpellations et interrogatoires pourraient s'ajouter à la liste, selon lui, tandis que les enquêteurs estiment avoir découvert à ce stade moins de la moitié de la manne détournée dans la station balnéaire huppée d'environ 120.000 habitants.
Lieu de résidence d'acteurs, starlettes, rejetons de dynasties arabes et mafieux divers, l'ancien port de pêche est devenu l'archétype de la spéculation immobilière, gangrené depuis 15 ans par une corruption héritée de l'ancien maire populiste Jésus Gil.
L'importance de "Malaya" réside dans l'arrestation de Juan Antonio Roca, assesseur à l'Urbanisme de la maire. Cet homme était déjà responsable de l'Urbanisme sous Gil, qui avait été condamné à deux reprises pour détournement de fonds et prévarication. Le jeune juge Miguel Angel Torres, 35 ans, chargé de l'affaire considère M. Roca comme le "cerveau" d'un réseau s'alimentant essentiellement de corruption immobilière.
M. Roca, homme d'apparence grise, propriétaire d'une fortune "démesurée", touchait des pot-de-vin en échange d'attributions de permis de construire, puis réinvestissait cet argent dans l'immobilier, par le biais de 120 sociétés écrans. La maire Marisol Yagüe, ancienne chanteuse folklorique, est considérée par le juge comme sa simple "marionnette".