Les Tchèques divisés à la veille d'un vote sur les loyers contrôlés
Résultat, les disparités de prix se sont creusées, notamment dans la capitale, Prague, où des appartements identiques situés dans le même immeuble se louent du simple au quintuple. Alors que la Cour européenne des Droits de l'Homme doit se prononcer, sur saisine des propriétaires mécontents, et que la plupart des partis politiques reconnaissent la nécessité d'une réforme, un projet de loi arrive cette semaine en lecture finale devant la chambre basse du parlement. Les loyers régulés pourraient dès lors augmenter, en moyenne, de 14% par an pendant cinq ans à partir de janvier 2007, selon les chiffres du ministère du Développement régional.
Un appartement de 60 m2 dans le centre de Prague passerait de 1670 couronnes (56 euros) à 5370 couronnes (179 euros), selon le ministère. "Nous nous attendons à un double effet: les prix régulés vont augmenter et ceux du marché libre baisser", explique Daniela Grabmullerova, en charge du logement au ministère. A terme, le fossé qui sépare les deux types de loyers devrait se combler et seul le marché déterminera les prix, selon elle.
L'impact serait le plus fort à Prague et dans les villes attractives, comme la station thermale de Karlovy Vary (ouest), où les loyers libres sont très élevés. Ailleurs, comme dans la ville industrielle de Most, où le chômage est élevé et les logements municipaux nombreux, la dérégulation aurait moins d'effet.
Cependant, le sujet oppose à couteaux tirés les propriétaires et les locataires d'appartements privés soumis aux loyers régulés. Lenka Jarochova, une locataire installée dans une cité du sud de Prague, redoute que la dérégulation chasse les plus pauvres du centre ville et que les banlieues deviennent des ghettos, comme elle l'a expliqué dans un dossier spécial du quotidien Mlada Fronta Dnes. Certains députés comme Tatana Fischerova du parti de droite libérale, Union de la liberté (US), partagent ces craintes: "dans mon immeuble, un tiers des habitants vont avoir des problèmes", souligne-t-elle. Ces dernières semaines, la presse locale a publié autant d'articles sur les craintes de plus défavorisés que sur les privilèges des riches Tchèques qui louent pour une bouchée de pain des appartements très recherchés, sur les rives de la Vltava par exemple.
L'Etat compte proposer aux moins aisés des aides au logement, représentant jusqu'à 35% du revenu à Prague, 30% ailleurs, selon Mme Grabmullerova. Le ministère estime que la dérégulation entrainera une inflation de l'ordre de 0,2%. Depuis des années, les organisations internationales, comme l'OCDE, critiquent régulièrement le gouvernement tchèque pour n'avoir pas mené cette réforme en arguant notamment que les loyers controlés entravent la circulation des personnes, y compris des chômeurs, dans un pays de taille exigüe.
Les propriétaires, eux, estiment que le projet de réforme ne va pas assez loin et prolonge les droits des locataires, selon Tomislav Simecek, le président de l'Association des Propriétaires (OSMD). A Prague, les locataires voient les choses d'un autre oeil. Un demi-millier de personnes ont défilé dans les rues en novembre, quand a été débattue une première proposition de hausse de loyers.