Dubaï limite la hausse des loyers pour préserver sa compétitivité
Cette mesure d'urgence, inhabituelle dans un émirat où les activités économiques sont en principe régies par la seule loi du marché, témoigne des craintes des autorités de Dubaï sur l'impact de la hausse des loyers sur la compétitivité de la ville. Au cours des dernières années, de nombreuses compagnies étrangères ont fait de Dubaï un centre régional pour leurs activités dans le Golfe, transformant cette ville portuaire jadis somnolente en une métropole moderne et animée, engagée dans des projets immobiliers et touristiques gigantesques. Mais d'autres villes du Golfe, comme Doha ou Manama, veulent concurrencer Dubaï sur ce terrain.
"Le niveau élevé des loyers a entamé la compétitivité de Dubaï", affirme à l'AFP un expert immobilier, Abdallah Bessis. Le coût des loyers est, en effet, pris en charge, au moins partiellement, par l'employeur. "De nombreux investisseurs et beaucoup d'entreprises s'intéressent déjà à des endroits comme Bahreïn et le Qatar", poursuit cet expert, bien que le Qatar soit lui aussi aux prises avec une forte poussée inflationniste.
"D'autres ont choisi l'Egypte et Oman, ou même Beyrouth", ajoute M. Bessis, pour lequel "cette décision, (de plafonner la hausse) arrive peut-être trop tard". Il n'y a pas d'indice officiel pour la hausse des prix à Dubaï. Pour l'ensemble des Emirats, l'inflation a officiellement atteint 4,7% l'an dernier, bien que plusieurs banques fassent état d'un chiffre supérieur. Elle devrait largement dépasser les 5% cette année.
Outre les loyers, cause principale de la hausse des prix, l'inflation a été alimentée par une augmentation de 25% des salaires des Emiratis travaillant dans la fonction publique décrétée en avril et par une hausse massive, début septembre, de quelque 30% des prix des carburants. Dans l'immédiat, le fait de plafonner les hausses des loyers a soulagé les résidents étrangers, qui représentent quelque 80% de la population de Dubaï.
Il s'agit en grande majorité d'ouvriers ou d'employés asiatiques dont le revenu est faible. Avant le décret gouvernemental, "aucun de mes clients confrontés à une énorme hausse pour l'année prochaine n'avait souhaité renouveler son bail", affirme Moussa Ajas, agent immobilier de nationalité indienne. Certains d'entre eux envisageaient même de quitter Dubaï au cas où les loyers continueraient leur flambée, a-t-il ajouté.
Pour M. Bessi, cette explosion des loyers est dû à l'absence totale de réglementation légale. "En l'absence d'un cadre réglementaire, les loyers dépendent de l'offre et la demande", explique-t-il. Or, la demande excède largement l'offre, celle-ci étant alimentée par l'accroissement constant de la population de Dubaï, actuellement estimée à 1,2 million d'habitants.
Certains experts prévoient une détente sur le marché immobilier en raison des nombreux projets en cours. Mais personne ne sait combien de temps prendra ce rééquilibrage. Et d'ici là, M. Bessis craint que certains propriétaires utilisent la mesure gouvernementale comme prétexte pour augmenter les loyers de 15%, alors qu'ils ne l'auraient peut-être pas fait.
De plus, personne ne sait si le décret gouvernemental sera réellement appliqué, car il ne prévoit apparemment aucune sanction pour les contrevenants.