ConnexionS'abonner
Fermer

Des locataires franciliens refusent que la moitié de leur cité soit rasée

Publié le 01 février 2005

Partager : 

Des "Non à la
démolition" et des "J'y suis, j'y reste" s'affichent aux balcons d'une cité de
Gennevilliers, où bon nombre de locataires refusent de voir détruire des HLM
spacieux, insonorisés, bon marché, à dix stations de métro des Champs-Elysées.
"Pourquoi dépenser 18,5 millions d'euros pour détruire de beaux logements, alors que des gens vivent dans des taudis, juste en bas, ou dans des hôtels au mois?", demande Michel Demery, ancien ouvrier métallurgiste de 61 ans, heureux de payer 400 euros, eau et chauffage compris, pour les 74 m2 qu'il loue depuis trente ans.

Si l'opération de renouvellement urbain est lancée, son bâtiment ne sera pas rasé, mais il verra tomber six immeubles de sa Cité rouge, remplacés par les arbres d'une "coulée verte". Alors Michel milite contre la démolition-reconstruction de 317 appartements, "une décision qui va contre l'avis des habitants concernés", selon le rapport 2005 de la fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés.

En juin, 570 familles sur 637 ont signé une pétition d'opposition, à l'initiative de l'amicale des locataires. Mais, en septembre, la municipalité dirigée par le PCF Jacques Bourgoin a clamé : "La majorité des Grésillonnais s'est prononcée pour la poursuite de la rénovation du quartier". Le projet venait d'être soumis, par référendum, non pas aux locataires des 3F, mais à l'ensemble des habitants du quartier. Un tiers avait voté : 564 oui, 432 non.

Depuis, la ville a déposé sa demande de financement auprès de l'Agence pour la rénovation urbaine (ANRU) créée par Jean-Louis Borloo (UMP). "C'est sûr que, dans le quartier, la cité dérange", dit à l'AFP Chantal, 40 ans, tout en embrassant une voisine africaine. "Des bureaux vont se construire pas loin. Pour les cadres qui sortent du métro, un grand ensemble, ça fait peur", analyse cette femme de ménage en congé parental, dont le mari est "agent d'entretien, au Smic". En treize ans, elle n'a "jamais eu peur de rentrer tard le soir" et ses "cinq enfants de 2 à 24 ans n'ont jamais eu de problèmes".

"Tout n'est pas gris mais tout n'est pas rose", résume-t-on à la société anonyme Immobilière 3F. Certes, les immeubles sont collés les uns aux autres et tout le monde sait qu'un trafic de drogue y perdure. Mais les parterres sont entretenus, les ascenseurs rénovés et les halls presque coquets. Dans leur étude, les architectes-urbanistes ont décrit les 3F comme un "lieu de relégation des populations défavorisées", un "monolithe urbain" dont "l'image contraste fortement avec celle dont bénéficie le quartier, apprécié notamment par une population qui ne ressortit pas forcément du passé ouvrier du quartier".

Et le maire évoque "une expression forte de mal-vivre". "A Gennevilliers, nous construisons avant de démolir. Notre objectif, c'est de stabiliser le nombre de logements sociaux (63 %)", dit à l'AFP l'élu communiste, qui promet que toutes les familles "pourront être relogées dans des logements sociaux du quartier".

La cité résonne d'inquiétudes : "Dans du neuf, les loyers seront forcément plus élevés", "si ma cuisine aménagée ne convient plus, je n'aurai pas les moyens d'en acheter une nouvelle".

Bahija Lamrabti, "agent de propreté", est fière d'ouvrir la porte de son F3 ultra-soigné : double vitrage dans le grand salon, placards partout, cuisine spacieuse. Mais c'est à peine si elle ose dire qu'elle "ne veut pas que ça soit cassé" : "si la mairie a décidé, on n'a rien à dire".

Par Laurence BOUTREUX

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.