A Strasbourg, l'extension du tram se heurte au pont de la discorde
lignes de tramway à Strasbourg a pris ce mois-ci une tournure surréaliste: du fait d'une décision de justice, la municipalité a dû surseoir à la destruction d'un pont, mais ne peut pour autant pas le rendre à la circulation.
En vue de sa destruction, le pont a été définitivement fermé à la circulation le 19 juillet. Puis 2.000 trous y ont été creusés, notamment dans les piliers, afin de loger les explosifs. Mais le 6 août, à deux semaines de sa destruction programmée, coup de théâtre: le tribunal administratif de Strasbourg, statuant en référé, a ordonné la suspension des travaux.
Saisi par plusieurs associations opposées à la disparition du pont - les riverains craignent de fréquents embouteillages si l'ouvrage est rabaissé -, le tribunal a en effet estimé que l'enquête publique préalable au lancement des travaux n'avait pas été suffisamment argumentée.
Conséquence: en attendant une décision au fond d'ici octobre, ou une éventuelle décision du conseil d'Etat invalidant l'ordonnance en référé, le viaduc ne peut plus être détruit.
"Le pont est fragilisé"
Mais il ne peut pas non plus retrouver sa fonction première: "du fait des forages destinés aux explosifs, le pont est fragilisé. Personne ne peut plus y circuler, pas même les piétons ou les cyclistes", explique l'ingénieur André von der Marck, responsable du projet tram à la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS).
Cette péripétie tombe mal pour le maire (UMP) de Strasbourg Fabienne Keller et son premier adjoint Robert Grossmann, qui ont fait du chantier du tram (près de 300 millions d'euros HT, hors matériel roulant) un des dossiers-phares de leur mandat.
Car au-delà du pont, le tribunal a suspendu l'ensemble des travaux dans le quartier strasbourgeois du Neudorf, où le débat très vif concernant le tracé du tram avait permis à la gauche de l'emporter lors des élections cantonales de mars.
Pour l'ancienne maire (PS) et actuelle chef de l'opposition Catherine Trautmann, s'il est "normal d'être confronté à des protestations dans ce genre de dossier très complexe", "l'équipe actuelle aurait dû être plus à l'écoute et ne pas passer en force". "Pourquoi avoir démarré les travaux avant même que le tribunal ne se soit prononcé sur le fond?", s'interroge l'ancienne ministre.
"Nous avons lancé le chantier après trois ans de procédure, et une enquête publique dont les conclusions ont été rendues sans réserve", répond Mme Keller.
En attendant, les associations de riverains ne cachent pas leur satisfaction face au chantier à l'arrêt. "C'est une grande victoire pour nous, et vous verrez, le tribunal nous donnera raison sur le fond", prédit Georges Hildwein, du collectif "Sauvons le pont Churchill". Un collectif prêt à tout pour sauver le viaduc: il a même tenté de le faire classer monument historique.