Les élus franciliens votent un Grand Paris, remanié à leur goût
Si le Premier ministre Manuel Valls avait accepté début juin que les élus réécrivent l'article 12 de la loi Maptam qui définit le statut des territoires qui la composent, ces derniers ont assez largement débordé ce cadre, en remettant également sur le métier la question fiscale, celle des compétences de la métropole, et son calendrier. « Il est clair que la feuille de route est allée un peu au-delà » de la lettre de mission du Premier ministre, a convenu au cours d'une conférence de presse avec d'autres élus le coprésident de la mission de préfiguration Daniel Guiraud (PS).
Leur nouveau schéma propose en effet de doter les territoires d'une fiscalité propre, et de leur laisser le produit de la CFE (cotisation foncière des entreprises). La CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) remonterait en revanche à la métropole, « un tiers de sa croissance annuelle » allant par ailleurs abonder un fonds métropolitain de soutien à l'investissement, ont expliqué les élus. Concernant le volet logement, le texte ne prévoit plus de PLU (plan local d'urbanisme) métropolitain, mais seulement un SCOT (schéma de cohérence territorial), le PLU revenant aux territoires de la métropole.
Comité interministériel lundi
Le président du Conseil général des Hauts-de-Seine Patrick Devedjian a toutefois suggéré et obtenu qu'il soit noté dans le texte que le PLU pouvait revenir aux communes, conformément à une disposition de la loi ALUR, selon laquelle une « minorité de blocage » (un quart des communes, un cinquième de la population) peut empêcher que le PLU remonte aux territoires.
Les élus ont enfin revu le calendrier de mise en place de la Métropole, avec une montée en puissance progressive. L'échéance pour le transfert des compétences opérationnelles de logement et d'environnement est ainsi repoussée à fin 2017. Le gouvernement devrait se prononcer sur ces propositions à l'occasion d'un comité interministériel sur le Grand Paris lundi. Le maire de Paris, Anne Hidalgo, s'est félicité dans un communiqué d'un texte de « compromis », permettant « de créer de manière réaliste la métropole ». Daniel Guiraud a souligné qu'il aurait préféré une version plus « intégrée » de la métropole mais a dit espérer que cet acte 1 « puisse être le prélude d'un acte 2 » de la MGP.
Parmi les élus qui se sont abstenus se trouvait l'un des principaux promoteurs au Parlement de la métropole, Alexis Bachelay, maire de Clichy-sous-Bois Olivier Klein, le président du Conseil général de Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel (tous PS). Celui-ci a regretté dans un communiqué une « métropole faible », sans véritable « péréquation fiscale » et sonnant « la fin » d'une volonté réelle « d'apporter des réponses à la grave crise du logement ». Parmi les « contre » se trouvaient notamment le conseiller de Paris Yves Contassot (EELV) et le sénateur UMP Philippe Dallier.
Le maire de Sceaux Philippe Laurent (UDI) a pour sa part invité jeudi à ne pas se « faire d'illusion » sur la capacité financière à agir de la future Métropole du Grand Paris (MGP), dans la configuration proposée mercredi par les élus franciliens.
Des ressources réduites pour la Métropole du Grand Paris
« Les ressources propres de la MGP - y compris le fonds d'investissement - ne dépasseront pas quelques dizaines de millions d'euros », a ainsi estimé l'ancien président de Paris Métropole. « Il ne faut donc pas se faire d'illusion sur sa capacité financière à agir, notamment en terme de levier d'investissement sur les territoires les plus fragiles », a-t-il souligné dans un billet posté sur son blog.
La loi Maptam ayant créé en 2013 la Métropole du Grand Paris l'avait « conçue comme une vaste machine de redistribution financière entre les territoires de l'agglomération parisienne ». Mais le nouveau schéma proposé mercredi par le conseil des élus de la mission de préfiguration de la Métropole du Grand Paris ne laisse plus grand chose de ce canevas initial. « Même si la MGP se voit dotée de compétences stratégiques, elle n'entrera pas en opérationnalité rapidement », estime le maire.
Le périmètre de la MGP mérite par ailleurs d'être modifié, selon M. Laurent. Il comprend actuellement Paris et les communes des trois départements de la Petite Couronne (avec un droit d'option pour les communes voisines). « Celui-ci n'est manifestement pas adapté au fait métropolitain que nous appréhendons (...) Ainsi par exemple les aéroports n'en font pas partie, pas davantage que les villes nouvelles ».
« Périmètre, finances, compétences: des sujets essentiels (...) pour lesquels il reste un travail considérable », résume M. Laurent, qui appelle donc à une démarche « progressive » privilégiant les aspects opérationnels sur les postures politiques et institutionnelles.
A. LG (avec AFP)
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